La Préhistoire fut créée en 1836, lorsque C. J. Tomsen, classant et publiant les antiquités du musée de Copenhague, distingua les trois Ages de la Pierre, du Bronze et du Fer (Tomsen 1836, Worsaae 1843). Nul, et pas même ces remarquables pionniers, n'avait alors la moindre idée du déroulement ni surtout de l'immensité des temps préhistoriques, dont la subdivision en époques allait être l'affaire des décennies suivantes. En 1847 J. Boucher de Perthes établit la contemporanéité de certains vestiges humains et d'animaux disparus, "antérieurs au Déluge". En 1861 Ed. Lartet, ayant fouillé en Périgord, propose de distinguer des Ages successifs fondés, comme en géologie, sur les animaux d'accompagnement. En 1869 G. de Mortillet montre qu'il faut classer d'après les industries, et dans le même temps J. Lubbock (1865) forge les termes de Paléolithique et Néolithique qui connaîtront à juste titre un succès durable.
L'opposition frappante entre les caractères de ces deux grandes divisions, l'absence apparente de toute transition de l'une à l'autre, créent dès lors le problème du soi-disant hiatus : la France et l'Europe entière, envahies par la forêt, seraient alors devenues inhabitables (bibliographie dans Rozoy 1978). Pour G. de Mortillet (1874), au contraire, il ne s'agissait que d'"une simple lacune de nos connaissances (...), les restes de l'époque de transition ou de passage n'ont pas encore été trouvés et reconnus."
La problématique essentielle de l'Epipaléolithique était donc alors d'établir l'existence ou l'absence d'industries humaines entre la fin du Paléolithique et le début du Néolithique.
La querelle du hiatus dura quarante ans, et se termina officiellement par la découverte de l'Azilien par Ed. Piette (1889 à 1904, v. Rozoy 1978), que d'ailleurs tous n'admirent pas volontiers ("Tourassien" pour de Mortillet, 1894). En réalité, l'Azilien ne comble nullement la totalité du hiatus, de loin s'en faut, et en 1963 G. Childe (dont, il est vrai, ce n'est pas la partie) peut encore laisser entendre qu'à ses yeux il subsiste une coupure avec vacuité. L' Azilien classique, nous le savons maintenant, ne couvre guère que l'oscillation d'Alleröd (peut-être le Dryas III et le début du Préboréal avec l'Azilien évolué). Le reste du Préboréal, le Boréal et le début de l'Atlantique s'écoulent avec d'autres cultures avant l'irruption du Néolithique. On avait donc admis un peu prématurément la disparition du fameux hiatus.
Pour G. de Mortillet comme pour Piette il s'agissait d'époques solutréenne, magdalénienne, tourassienne (azilienne), tardenoisienne, robenhausienne, ayant valeur universelle, ce qui dispensait d'avoir à reconnaître des facies régionaux. G. de Mortillet considérait avec bon sens sa classification comme limitée à l'Europe occidentale (c'était déjà trop), mais ses élèves et E. Cartailhac sont allés beaucoup plus loin. On peut comprendre que le souci capital de la chronologie l'ait, alors, emporté sur toute autre considération. Ce qui n'est pas normal, c'est de se heurter aujourd'hui au même dédain des différences régionales, alors que la suite temporelle et même certaines de ces disparités sont bien établies jusque dans beaucoup de détails.
Le phénomène des armatures pointues microlithiques correspond à l'invention, à la diffusion et à l'usage généralisé de l'arc et de la flèche. Malgré la publication en français par Friis-Johansen dès 1919, cela ne sera compris que beaucoup, beaucoup plus tard, lorsque d'autres armatures auront été retrouvées emmanchées dans la tourbe à Ahrensburg (Rust 1943) et à Loshult (Peterssen 1951, Malmer 1958, 1968, et fig. 1). L'existence des armatures microlithiques pointues était déjà connue avant même les travaux de Piette (Daleau 1878, G. de Mortillet 1883, A. de Mortillet 1885, 1896). Nul, toutefois, ne songeait à leur importance, ni surtout à ce qu'ils pussent avoir leur place dans le fameux hiatus : on en faisait "une industrie" (parallèle au Néolithique), non une culture. Il faudra le (lent) développement des recherches en stratigraphie fine, et surtout l'adoption du tamisage systématique, pour en montrer la position véritable. Ed. Piette (1874, p. 313) fouillait bien en stratigraphie, mais démêlait (croyait-il) en deux jours une série "des plus compliquées".
Pourtant, la découverte de l'Ahrensbourgien (Rahir 1920, Rust 1943, 1951, 1958 et fig. 2), celles du Maglemosien (Friis-Johansen 1919, Svaerdborg publié en français), du Sauveterrien (Coulonges 1928, 1931, 1935), auraient dû montrer la voie. Mais la régression marquée des études préhistoriques entre les deux guerres mondiales dans les principaux pays européens saignés à blanc par le massacre, et où la Préhistoire était désormais aux mains de littéraires surtout préoccupés d'art, retarda considérablement cette prise de conscience. R. Daniel, fouillant Montbani dans les années 30, n'avait (il l'a dit souvent au présent auteur) aucunement l'idée d'une période de transition : le hiatus était comblé par l'Azilien, le Tardenoisien était une industrie spéciale, c'était (Breuil l'avait dit) le fait de nomades venus d'Afrique, et se tenant, par atavisme, sur les milieux sableux. Après la guerre de 1939-1945, devant les progrès accomplis, cette opinion disparut progressivement. Mais en 1965, lorsque fut commencé le travail qui aboutit aux "Derniers chasseurs", elle était encore en discussion.
La problématique du moment, essentiellement chronologique, aurait donc exigé la stratigraphie fine, le tamisage, l'interprétation des emplois des armatures (ce dernier point expliquant les différences avec le Paléolithique), toutes choses qui ne furent acquises que dans les années 1950-1970 avec le renouveau scientifique de la Préhistoire.
Depuis 1886, à la suite de Ph. Salmon (1886, 1891, Salmon, d'Ault du Mesnil et Capitan 1898), on dénommait Campignien, ce qui n'était pas grave, mais on plaçait avant le Néolithique, ce qui l'était beaucoup plus, des ensembles lithiques ramassés en surface et qui paraissaient plus grossiers que ceux "du" Néolithique auquel, en réalité, ils appartenaient. La comparaison, sur des bases typologiques insuffisantes, avec le Maglemosien (qui en réalité contient des armatures microlithiques, et beaucoup plus nombreuses que les haches, Friis-Johansen 1919) était à la source de cette erreur qui fut reprise en 1950 par L.-R. Nougier. Il eût fallu se fonder sur des éléments clos. On se trouva donc, pendant plus de 60 ans, avec deux industries très différentes, le Tardenoisien et le Campignien, trouvées toutes deux dans le Bassin parisien qui en demeure le centre géographique, et censées toutes deux précéder le Néolithique ancien proprement dit. G. Bailloud (1970, 1971) et le présent auteur (1971, p. 540) montrèrent que ces objets ne sont, en France et en Belgique, pas antérieurs au Néolithique moyen.
La seconde problématique de l'Epipaléolithique fut donc d'établir la continuité chronologique des industries : le hiatus ne pouvait être considéré comme comblé que si l'on prouvait la présence humaine pour tous les moments, pour chacune des oscillations climatiques comprises entre la fin du Paléolithique et le début du plus ancien Néolithique dans la région considérée. Ce qui supposait une connaissance assez précise de cette succession, et aussi de son déroulement réel en dates absolues. Les progrès considérables de la Palynologie, puis les analyses par le Radiocarbone, appliquées les uns et les autres à des stratigraphies fines (Cornille, Montclus, Rouffignac, Birsmatten) comme à des gisements à couche unique (Sud des Pays-Bas) ont été les bases essentielles permettant une telle démonstration, jusque dans le détail, pour l'essentiel entre la seconde guerre mondiale et les années 60-70 (Escalon, passim, Barrière 1973-1974, Bandi 1963, bibliographie dans Rozoy 1978).
Toute la première moitié du XX° siècle fut entièrement dominée, en ce qui nous concerne, par le système du fossile directeur unique, qui fut pratiquement un recul sur la période précédente, recul dû à un approfondissement très insuffisant de la typologie. Le progrès considérables accomplis par les premiers typologistes (Bourlon, 1911, par exemple) n'avaient pas été assimilés par la masse des chercheurs, qui voyaient toujours la Préhistoire de façon romantique et s'en tenaient à un outil caractérisé par époque. La conséquence directe en fut, par souci de trouver les origines de chaque culture, la théorie des migrations. La genèse de chaque nouveauté ne pouvait encore être saisie sur place, faute de séries assez détaillées, les fossiles directeurs choisis n'étaient pas assez précis (les microlithes géométriques en général, et non le segment de cercle, la pointe à troncature oblique ou le triangle scalène), et l'intérêt porté à la Préhistoire par de nouvelles couches d'intellectuels, à culture plus littéraire, ne pouvait manquer d'entraîner, outre ce flou romantique, une contagion des phénomènes migratoires récemment mis en évidence pour la Protohistoire.
La méthode du fossile directeur (ou "indicateur") unique doit être considérée maintenant comme une méthode fossile.
Par contre, un progrès important fut réalisé par l'introduction de la notion de culture, c'est-à-dire que les objets découverts furent considérés comme le produit de groupes humains cohérents possédant leurs traditions propres. Même si ces groupes furent alors vus de façon romantique et si leurs caractéristiques lithiques furent tenues pour plus importantes qu'elles ne le sont, c'était un pas en avant (S.P.F. 1929) par rapport à la notion précédente d'époques uniformes pour toute la Terre, avec progrès continu obligatoire. Cette introduction de la notion de culture sera très lente et hésitante. Toutefois, la théorie des migrations contient en germe l'idée même de culture et y conduira immanquablement, quoique par des voies fort détournées.
Le Tardenoisien vint donc de l'Inde (Mortillet 1897), puis d'Afrique, soit du Capsien (Capitan 1931, Mendes-Correa 1933), par l'Espagne et le détroit de Gibraltar, soit de Sébil (Vignard 1928, 1954) par le Proche-Orient ou, à nouveau, par l'Espagne, soit encore des deux côtés à la fois, ou par l'Italie (Octobon 1925) et de toutes façons de la région méditerranéenne (Breuil 1937). On en vit même jusqu'en Australie (Vignard 1948, S.P.F. 1929).
Dans le même temps, des "tribus" munies du tranchet et de la hache (et dont on ignorait totalement, en France, qu'elles aient eu des armatures microlithiques) "s'avançaient le long des rives de la Baltique" (Breuil 1937), car il était bien entendu que ces sauvages ne pouvaient être que des nomades et par conséquent des errants en quête perpétuelle de nouveaux territoires ("ces tribus vagabondes porteuses de microlithes peu encombrants", Vignard 1954). Cela, en réalité, est le propre des cultivateurs ou pasteurs, qui épuisent la terre, ou des guerriers en quête d'esclaves, plus tard, à l'âge du bronze : contagion de la Protohistoire.`
Dans la mesure où un intérêt ethnographique était porté à nos "peuplades", on confondait invariablement les caractères attribués à l'industrie du silex (où l'énorme progrès accompli par l'arc et la flèche était totalement incompris) avec ceux de la population, et l'on parlait d'une vie misérable (Déchelette 1908, Capitan 1931, Péquart 1937), ou de "dégénérescence" en raison de la disparition de l'art animalier figuratif (et sans voir le passage à un stade supérieur d'abstraction). Manger des escargots paraissait aussi (sauf aux Bourguignons, sans doute) le comble de la misère. C'est l'idée des "rôdeurs de grèves (strandloopers, Clark 1955, Evans 1969) qui néglige les trouvailles d'os de cerf et de sanglier dans les déchets de cuisine (Lubbock 1865, les Danois ont prouvé depuis longtemps que l'on ne pouvait pas vivre sur les seuls coquillages, Peterssen 1922). Pour d'aucuns, cette soi-disant pauvreté extrême allait jusqu'à la disparition pure et simple (Childe 1963, p. 66).
Il fut facile de montrer (Rozoy 1978, chap. 21) que les biotopes post-glaciaires, non pas difficiles, mais au contraire plus riches que ceux de la steppe ou de la taïga, permettaient une aisance bien supérieure à celle que connurent les Paléolithiques. D'ailleurs, la multiplicité des gisements retrouvés en témoigne éloquemment (Rozoy 1985 et fig. 3). La population, bien loin de se réduire ou de disparaître (ou d'être "acculée à la mer"), s'est alors fortement multipliée. L'Epipaléolithique est la première période où tout notre pays (et toute la zone tempérée) fut occupé entièrement, à l'échelle du canton et même de la commune. On peut estimer la population de la France au Boréal à environ 50 000 habitants, également répartis (Rozoy 1978, p. 1083 à 1108, Rozoy 1992), contre 8 à 10 000 pour le Magdalénien final, celui-ci limité à quelques îlots relativement denses dans un désert glacé (Rozoy 1987, 1992).
Pour prouver ou infirmer la théorie des migrations, il était indispensable de procéder à des analyses beaucoup plus détaillées des industries. Dans le cas particulier, il ne pouvait s'agir presque exclusivement que d'outils de silex (ou de déchets : le microburin, les nucleus, le débitage), puisque beaucoup de sites sont sur des sables siliceux où l'os n'est pas conservé, et sa préservation inégale dans les autres gisements ne permet guère de comparaisons. D'ailleurs, même dans les sites calcaires, l'Epipaléolithique ne comporte, dans nos régions, que peu d'outils (ou objets de toute sorte) en autres matières que le silex.
Les points essentiels pour résoudre cette troisième problématique étaient la prise en compte de la totalité de l'outillage, et l'emploi d'une typologie détaillée distinguant suffisamment les variétés d'outils (et même de matériel brut de débitage).
Il fallut donc, en prolongement
et perfectionnement des travaux de Daniel et Vignard (1953), et
avec la collaboration de R. Daniel (1966) et d'autres chercheurs
(G.E.E.M. 1969 à 1975), établir et préciser
une liste-type (Rozoy 1967). Celle-ci n'est rien de plus qu'un
système de fossiles directeurs multiples, organisé
de façon à permettre des comparaisons aussi bien
quantitatives que qualitatives, et en particulier en utilisant
des graphiques cumulatifs, mais aussi des histogrammes et de multiples
autres procédés. Importante est aussi la prise en
considération des styles (de débitage et de confection
des outils), des déchets (microburin) et du matériel
brut de débitage (Rozoy 1968, 1978).
Au moyen de ces instruments, et grâce aux travaux précis
de multiples collègues, il fut possible de montrer (Rozoy
1978) pour plusieurs régions, notamment la frontière
belgo-néerlandaise, la vallée suisse de la Birse
au sud de Bâle, la Provence, non seulement la continuité
temporelle des occupations (et donc l'absence de tout hiatus pour
ces zones), mais aussi la continuité culturelle et l'évolution
sur place des industries depuis le Paléolithique. Citons
en particulier la preuve faite de la dérivation locale
de l'Ahrensbourgien à partir du Tjongérien (et du
"Mésolithique" à partir de l'Ahrensbourgien)
dans le Sud des Pays-Bas (fig. 4). Soulignons tout de suite les
différences régionales importantes sur lesquelles
il sera nécessaire de revenir plus loin : la diversification
est maintenant bien plus poussée qu'au Paléolithique,
essentiellement du fait de l'importante augmentation de la population.
Aussi la thèse présentée en 1978 ne pouvait-elle
donner que l'ossature de cette régionalisation, qui reste
à préciser.
Pour d'autres provinces il subsiste actuellement des lacunes, d'ailleurs de plus en plus brèves et ne concernant pas, de région à région, les mêmes moments. Au-delà de ces périodes encore obscures, on trouve dans ces zones (Bassin parisien, Périgord etc) des successions non seulement chronologiques, mais encore culturelles, avec dérivation des industries sur place. Ainsi, par exemple, la continuité culturelle absolue (fig. 5), établie par l'étude des outils du fonds commun, entre le Sauveterrien classique et les couches supérieures à trapèzes trouvées dans les mêmes stratigraphies et qui avaient initialement été appelées "tardenoisiennes", par suite de l'usage inconsidéré du fossile directeur unique, "le" trapèze, d'ailleurs vu trop globalement, car ce ne sont pas du tout les mêmes trapèzes que dans le Bassin parisien.
Aucun doute ne demeure dans les esprits correctement informés sur le fait que les manques, comme l'avait prévu G. de Mortillet, sont uniquement dans nos connaissances, et ne correspondent pas à des périodes où ces parties de l'Europe auraient été inhabitées. En fonction de la continuité culturelle dans les régions environnantes et les périodes d'encadrement, maintenant bien connues, il ne peut faire de doute non plus qu'il en ait été de même pour la plupart des provinces encore incomplètement connues. La continuité culturelle demeure toutefois à démontrer dans chaque cas, car des déplacements de frontières peuvent survenir et, au moins pour le passage au Néolithique, des problèmes d'immigration peuvent réellement se poser. Les régions étant plus petites qu'au Magdalénien, et d'ailleurs les gisements aussi, cela suppose un nombre assez élevé de petites fouilles.
En employant les mêmes méthodes, il fut facile de faire apparaître la grande stabilité des groupes humains sur leurs territoires traditionnels : on suit l'évolution de leurs industries, y compris de nombreux détails propres à chaque province, pendant plusieurs milliers d'années. Cette analyse typologique détaillée, loin d'être la "virtuosité méthodologique stérile" que critiquent les adeptes de la "New Archaeology", débouche donc directement sur l'interprétation ethnographique qui parut si longtemps le point faible de l'école française. La mise en évidence pour l'Epipaléolithique du "changement en mosaïque" (Rozoy 1978, 1992) déjà dépisté pour le Paléolithique inférieur par J. Chavaillon (1978) n'est pas la moindre des avancées récentes en Préhistoire.
Cette stabilité des groupes régionaux va de pair avec le parallélisme (approximatif) de leurs évolutions. Des phénomènes analogues, mais non identiques, apparaissent simultanément, ou avec d'assez faibles décalages, dans des régions voisines, et ces faits interculturels, bien souvent, sont transmis assez vite d'un bout à l'autre de l'Europe pour qu'il devienne difficile de saisir leur point de départ. C'est ainsi que la mode des trapèzes typiques se répand vers 5 850 avant notre ère, et que seules des considérations techniques (latéralisation) permettent d'en présumer le lieu d'invention en Belgique. Il est des provinces, toutefois, pour demeurer plus ou moins longtemps réfractaires à certaines nouveautés : ainsi l'Ardennien et le Beaugencien, aux trapèzes, le Limbourg belgo-néerlandais, aux lames et lamelles Montbani. On peut cependant décrire pour tout notre pays, et même pour l'Europe, des stades successifs : très ancien, ancien, moyen, récent, final, dont le parallélisme est dans l'ensemble très bon. Il devient alors possible d'attribuer par la typologie les sites isolés et sans datation absolue à l'un ou l'autre stade (mais ceux-ci durent environ 1 000 ans chacun). J.-L. Slachmuylder (1985) a même développé un traitement informatique permettant, dans une région où sont connues suffisamment de bases, d'attribuer avec une bonne vraisemblance une date approximative à de tels gisements.
Une autre particularité des études sur l'Epipaléolithique ("Mésolithique") est que cette période est la seule pour laquelle la communauté scientifique a eu beaucoup de mal à admettre d'appliquer le principe de G. de Mortillet, énoncé dès 1869, de classer selon l'industrie (lithique ou autre) et non selon les animaux d'accompagnement. Personne ne discute sérieusement que la distinction entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur, par exemple, soit dans la nature des produits humains. Le système de Lartet (1861, Age du grand ours, Age du renne, Age de l'aurochs, etc) a été abandonné très rapidement : le Paléolithique supérieur se caractérise par des industries plus laminaires, par des grattoirs au lieu de racloirs, par l'abondance des burins, par l'usage de l'os, par l'apparition de l'art, etc. De même, nul ne songerait depuis bien longtemps à contester que la distinction entre l'Epipaléolithique ("Mésolithique") et le Néolithique soit dans les activités de l'Homme, prédateur dans un cas (fût-ce en Afrique à l'époque actuelle chez les Pygmées), et producteur dans l'autre.
Mais pour la limite entre le Paléolithique et l'Epipaléolithique, qui est relativement proche de la transformation climatique, on rencontre encore beaucoup de très bons esprits, et même parfois parmi les spécialistes de la période (Dewez 1973) pour définir le passage au moyen de considérations naturalistes : essentiellement la fin de la glaciation et les changements qui lui sont liés dans la flore et la faune. Seraient, selon cette opinion, paléolithiques les industries se déroulant pendant la glaciation; seraient "mésolithiques" (ou, à la rigueur, épipaléolithiques) celles qui sont à l'holocène. Cette théorie surannée, remontant aux balbutiements de la Préhistoire vers 1860-1870, ne tient aucun compte des réalités, et en particulier de la microlithisation des armatures de chasse : c'est-à-dire, en définitive, de l'utilisation généralisée de l'arc et de la flèche comme moyen essentiel de chasse, et donc comme base fondamentale de toute la vie humaine pour ces époques. Il a en effet, été facile de montrer (Rozoy 1978, p. 1009-1010) que les armatures de l'Azilien sont déjà, en grande majorité, des pointes de flèches et non pas de sagaies (les expériences menées depuis lors, Rozoy 1993 a, confirment vigoureusement qu'il ne peut être question, sous peine d'inefficacité, de mettre des armatures aussi légères sur des sagaies lancées avec un propulseur). La chose est plus évidente encore pour les industries postérieures, et en particulier pour l'Ahrensbourgien au Nord (daté du Dryas III, et ayant fourni des arcs et des flèches), comme pour le Valorguien (remontant à l'Alleröd comme l'Azilien) au Sud, qui sont tous deux bien avant la fin de la glaciation : les Ahrensbourgiens tuaient des rennes dans une toundra avec des flèches armées de microlithes que Rahir (1920, 1928) avait considérés comme tardenoisiens, ce qui pour l'époque était parfaitement raisonnable.
Une des conséquences particulièrement pernicieuses de cette impropriété est que, après avoir défini le Paléolithique comme glaciaire et le Mésolithique comme post-glaciaire, on en vient à s'interroger sur les motifs de cette transformation, et l'on conclut doctement que le changement du climat en est la cause ! Pour se perdre ensuite en conjectures sur les mécanismes. Par exemple, on a dit que l'arc était nécessaire dans la forêt "pour tirer entre les branches" (ceux qui écrivent cela n'ont pas expérimenté, ils n'ont pas passé des heures à rechercher leur meilleure flèche dans les buissons, on retrouve bien plus facilement une sagaie de 2,70 m). Il y a là un splendide raisonnement circulaire qui vaudrait d'être cité en exemple dans les cours de philosophie. Il nous faut, bien au contraire, remarquer que l'arc et la flèche apparaissent avant la fin du froid (Rozoy 1989), on pourrait alors, selon le même vieil adage post hoc, propterea ex hoc, se demander si c'est l'invention de l'arc qui a provoqué le réchauffement du climat...
Il est bien évident que, tout comme pour le passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, les changements dans les industries et, plus avant, dans les modes de vie, proviennent d'inventions et surtout de généralisations de celles-ci, ce qui suppose l'aptitude de l'ensemble de la population à en saisir le mécanisme et à les utiliser. L'arc et la flèche ont certainement été inventés plusieurs fois, en particulier dans le Solutréen du Parpallo, pour ne citer qu'un exemple, mais ce n'est qu'après le Magdalénien final que l'on assistera à leur persistance et à leur généralisation. Ce qui incite à penser que le niveau conceptuel moyen s'était, entre temps, élevé, autrement dit, que l'évolution cérébrale s'était poursuivie.
Les problématiques précédentes, sous leur aspect principalement chronologique, présentaient des incidences ethnographiques importantes : hiatus par inhabitabilité, uniformité universelle ou mosaïque de cultures, unicité ou dualité (Campignien - Tardenoisien), migrations ou continuité culturelle avec transformation des industries l'une en la suivante, errance sans but ou stabilité territoriale, misérabilisme ou aisance, chasse à la lance ou à l'arc, sans parler encore de la nature de la nourriture (coquillages ou viande). La résolution (pour l'essentiel) de ces problèmes fait que l'Epipaléolithique est maintenant amené au niveau de compréhension d'ensemble qui est sensiblement celui des autres grandes périodes de la Préhistoire. Que peut-on (en dehors de quelques détails à revoir, par exemple sur le Montmorrencien) envisager maintenant comme directions de recherche pour mieux connaître cette période ? La chronologie étant maintenant bien établie, la recherche de stratigraphies perd de son importance au profit de l'étude des stations de plein-air qui sont susceptibles de livrer des informations sur le mode de vie, tant par chacune d'elles-mêmes que par leur distribution
Les travaux des décennies précédentes ont mis en évidence de très importantes différences régionales : au point que l'on a parfois pu hésiter à identifier certaines séries lithiques, par exemple à Lautereck (Taute 1966). Certes, le travail de mise en ordre chronologique (Rozoy 1978) a fourni par la même occasion une bonne charpente, un cadre qui est probablement valable pour l'essentiel. Il reste toutefois à l'habiller, car à peine la moitié des groupes locaux ont été identifiés. Et l'on ne peut évidemment exclure que des corrections soient nécessaires ici ou là, en fonction des découvertes nouvelles. C'est le cas en particulier des excellents travaux de J.-P. Fagnart (1982, 1991) et de Th. Ducrocq (1987 à 1991) en Picardie, qui ont permis récemment d'identifier et de préciser la culture de la Somme (Rozoy 1992, 1993 b, c) dont il sera question plus loin. Il doit être possible aussi maintenant de préciser les groupes occupant la Bretagne (Kayser 1989, 1992). On trouvera ci-après deux exemples des problèmes posés par ces délimitations et de quelques techniques d'approche.
La délimitation et même l'existence autonome de l'Ardennien ont été contestées (Gob 1981) et nos collègues belges ont, depuis la parution de l'ouvrage "Les derniers chasseurs", mis au jour ou repris plusieurs sites (L'Ourlaine, Lausberg, Lausberg-Miny et Pirnay 1979, 1982, la station Leduc, Gob 1985, etc) dont l'interprétation pose problème dans le cadre actuel de l'Ardennien. Rappelons que cette culture se distingue du Tardenoisien par divers caractères, les uns qualitatifs, les autres quantitatifs. Le taux d'armatures y est généralement très bas, de l'ordre de 12 à 22 %, contre 50 à 70 % dans le Tardenoisien moyen. Corrélativement, le rapport nucleus/armatures y est très élevé (70 à 450 nucleus pour 100 armatures, contre 2 à 25 dans le Tardenoisien). les outils sur éclats y sont très abondants (25 à 40 %, pour 3 à 25 % dans le Tardenoisien), en particulier les éclats retouchés, et ce, tout autant dans les sites sur sables (Hergenrath, Marlemont) où l'on ne peut croire qu'ils soient accidentels. Les outils sur lames de la 5° classe sont plus abondants que ceux sur lamelles (6° classe) qui l'emportent fortement dans le Tardenoisien.
Qualitativement, le style de débitage n'est pas vraiment celui de Coincy, parce qu'il est plus épais, et il y a beaucoup d'éclats. Les classes d'armatures sont aussi diverses que dans le Tardenoisien, mais les segments de cercle n'apparaissent que tard; les triangles scalènes ne comportent jamais de scalènes allongés, mais toujours des scalènes à petit côté concave, c'est l'inverse dans le Tardenoisien. Les pointes à troncature ne sont pas plus grandes que les autres armatures, les pointes à base transversale ne sont que tardivement du style du Tardenois et comportent des formes spéciales. Enfin, lors de l'évolution, les trapèzes typiques et le style de Montbani ne pénètrent que très marginalement, ce qui rend difficile la distinction du stade récent.
Lors de la définition de l'Ardennien, on disposait sur le massif ardennais ou à proximité immédiate (Marlemont, Hergenrath) de 8 sites plus ou moins utilisables (Les Mazures, Busch Brand, Flönnes 2, La Roche aux Faucons (pentes et plateau), Sougné, Marlemont, Flönnes 1, Oizy, fig. 6), plus les ramassages de T. Delville dans la vallée de la Semois, et d'autres séries moins importantes que l'auteur n'avait pu examiner (Laide Fosse, Belvaux, Septrou, Wegnez), mais dont les caractéristiques connues confirmaient les précédentes. Tous ces sites, à des degrés divers, partageaient tous les caractères ci-dessus décrits, compte tenu des éclats retouchés que certains auteurs ne considèrent pas comme des outils, mais qui sont présents en abondance dans les caisses de déchets (La Roche aux Faucons). Aucun ne pouvait, pour de multiples raisons, être assimilé au Tardenoisien proprement dit, c'est-à-dire au Tardenoisien du Tardenois (qui cependant s'étend, avec Roc-la-Tour II, jusque sur le bord de l'Ardenne). Marlemont était le seul site du Bassin parisien à présenter ces caractères, formant avec les sites de l'Ardenne un ensemble très homogène (fig. 7).
Telle était du moins la situation avant la fouille de l'Ourlaine, qui eut lieu au moment de la parution des "Derniers chasseurs". Or ce site, loin dans le massif ardennais par rapport au Bassin parisien, présente un nombre important de caractères communs avec le Tardenoisien, en particulier le faible nombre des éclats retouchés (10 %, Gob 1981), un fort taux de microburins (200 pour 100 armatures), un taux d'armatures de 40 % environ (compte tenu des éclats retouchés et des lamelles cassées dans l'encoche), plus bas que tous ceux du Tardenoisien, mais nettement plus élevé que ceux de l'Ardennien (et même plus de 60 % pour Lausberg, 1982, sous réserve de vérification, ce taux atteindrait ceux du Tardenoisien et semble confirmé par le rapport nucleus/armatures assez bas : 30). En outre, forte dominance des segments de cercle, et une datation vers 7 000 avant notre ère, à un moment où les autres sites de l'Ardenne n'ont pas de segments du tout (si ce n'étaient les segments, on pourrait rapprocher l'Ourlaine du groupe d'Arlon, Noel 1977, Rozoy 1978 p. 659). Il est bien évident que ce site (qui n'a jusqu'à présent pas été examiné en détail par le présent auteur) pose un très sérieux problème d'attribution culturelle et que celui-ci ne pourra être résolu que par l'inclusion dans un ensemble beaucoup plus vaste et, surtout, mieux fourni. La fouille de la Roche-à-Fépin (Rozoy 1990) apporte une première confirmation, la valeur prédictive du groupement régional (fig. 8) est remarquable, mais il demeure important de disposer dans la région d'un plus grand nombre de séries étudiables, et il faudra examiner les séries allemandes voisines : Brockenberg etc.
On ne peut distinguer correctement des groupes régionaux d'industries si l'on ne dispose pour chacun que d'un trop petit nombre de sites. Et la zone frontière entre les espaces d'occupation respectifs est le point le plus délicat. En ce qui concerne le Tardenoisien et l'Ardennien, on sait déjà qu'un certain chevauchement existe, puisque Marlemont, dans le Bassin parisien, présente tous les caractères habituellement retrouvés sur le massif ardennais (Rozoy 1978, p. 639, et fig. 7), tandis que Roc-la-Tour II, sur l'Ardenne, est typiquement tardenoisien, au point qu'il a même été pris comme gisement-modèle du stade ancien de cette culture (Rozoy 1978, p. 396). Cette particularité a été expliquée par l'hypothèse d'un déplacement de la frontière entre les deux groupes au cours du temps, les Tardenoisiens ayant mordu sur l'Ardenne au stade ancien, tandis que les Ardenniens se seraient plus étendus vers le Sud-Ouest ensuite, dans le bassin de la Meuse. Mais il est certainement utile, et même indispensable, de préciser nos connaissances dans cette région, comme dans tant d'autres, pour confirmer, modifier ou peut-être même réfuter cette interprétation. On ne peut exclure que l'Ardennien soit en réalité à subdiviser et comporte, soit de tout temps, soit au cours de son développement, des divisions locales non encore mises en évidence.
Les différences observées de part et d'autre de la rivière Oise (fig. 6) entre la culture de la Somme et le Tardenoisien-Nord (Rozoy 1993 b) sont pour une large part autres que celles qui séparent ce dernier de l'Ardennien. Le style de débitage est le même (celui de Coincy) sur les deux rives de l'Oise, le style de confection des armatures est lui aussi identique, ces deux facteurs de discrimination du Tardenoisien et de l'Ardennien ne permettent ici aucune distinction des cultures. Par contre, l'équilibre tardenoisien (et ardennien) entre les classes d'armatures n'est pas de mise dans la Somme où sont outrageusement privilégiées aux stades ancien et moyen (Rozoy 1993 b) d'abord les pointes à troncature oblique (Merque, Hailles), puis les segments de cercle (Hangest, La Haute Borne), ensuite les pointes à base transversale (Le Petit Marais), tandis que les triangles, abondants dans le Tardenoisien et l'Ardennien, manquent presque totalement (Rozoy 1993 b). Le taux d'armatures est nettement bas dans la culture de la Somme (mais pas autant que dans l'Ardennien) : entre 30 et 40 %, contre 50 à 65 % dans le Tardenoisien aux mêmes stades. Cela est, comme dans l'Ardennien, corrélatif d'un taux élevé d'éclats retouchés : 25 à 30 %, du moins lorsque ces outils peu caractérisés sont retenus par le trieur. Un bon substitut en est le rapport nucleus/armatures, qui va de 35 à plus de 300 nucleus pour 100 armatures pointues, contre 2 à 25 dans le Tardenoisien, et permet de dépister les cas où le tri n'a pas été exhaustif. Les poids de silex utilisés pour 100 armatures suivent tout naturellement ce dernier rapport (Rozoy 1993 b). Les rapports numériques des outils sur lames et sur lamelles sont, à nouveau comme dans l'Ardennien, très différents, la culture de la Somme ne suivant pas le Tardenoisien dans sa manie des armatures à laquelle l'abondance des outils sur lamelles paraît liée.
La plupart de ces différences s'estompent à l'approche du stade récent, même avant l'apparition des trapèzes et des lames Montbani (fig. 8). On a donc pu penser (Fagnart 1991, Rozoy 1991 b, 1992) que Dreuil-les-Amiens, Etouvie et Gentelles appartenaient au Tardenoisien (fig. 9) et que la frontière séparant celui-ci de la culture de la Somme s'était alors déplacée de l'Oise jusqu'à Amiens (fig. 6), les sites plus à l'Ouest (Belloy, Hardelot, Equihen) étant nettement distincts avec leurs flèches de Belloy qui, dérivées des trapèzes, les y remplacent presque complètement. Une analyse plus approfondie (Rozoy 1993 b) montre toutefois que la séparation en question est tout-à-fait illusoire. En réalité elle est chonologique et non culturelle, les flèches de Belloy (présentes aussi, mais minoritaires, à l'Allée Tortue dans le Tardenois ... et à Dreuil en association avec les trapèzes) étant un élément typique du stade final. Il y a tout lieu de penser que l'on trouvera ultérieurement à l'Ouest d'Amiens des sites apparentés à la constituante principale de Dreuil ou à Gentelles, et d'autres apparentés à Belloy à l'Est, la frontière étant restée sur l'Oise comme au stade moyen. Dreuil, Etouvie et Gentelles ne peuvent être rattachés au Tardenoisien dont ils diffèrent par plusieurs caractères : tout d'abord par la fréquence importante des trapèzes courts et (ou) symétriques, nettement dominants dans les trois sites, avec aussi une majorité d'armatures retouchées à gauche, alors que dans le Tardenois le caractère long et la retouche à droite l'emportent à 80 % (les rares trapèzes courts y sont souvent à gauche, ce qui témoigne une fois de plus de la perméabilité des "frontières" interculturelles chez les archers épipaléolithiques). Une première approche du très abondant débitage de Dreuil, d'Etouvie et de Vraignes, facilitée au présent auteur par l'amabilité de J.-P. Fagnart et de Th. Ducrocq, montre aussi que ce n'est pas le style de Montbani pur, comme dans le Tardenois, mais un débitage mixte où le style de Montbani est nettement minoritaire : une masse importante de lames d'un style plus banal y domine fortement les lamelles plus régulières qui ont servi à faire les trapèzes, et la masse des éclats est plus considérable encore. D'autres différences sont en cours d'étude, la caractérisation des chaînes opératoires, si précieuse puisqu'elle permet de réintégrer des sites superficiels abîmés par la charrue, permettra certainement de les préciser.
Certaines conditions impératives de délimitation des cultures épipaléolithiques sont clairement montrées par les difficultés rencontrées lors de l'isolement de la culture de la Somme : collaboration scientifique sans réserves des chercheurs d'une région à l'autre (celle manifestée par J.-P. Fagnart et Th. Ducrocq à l'égard du présent auteur est à ce titre exemplaire), unicité des critères de tri des industries, prise en compte de la totalité de celles-ci, sans oublier le matériel brut de débitage ("déchets") dont la conservation totale est donc une condition absolue. Il demeure actuellement, comme pour l'Ardennien, mais cette fois pour le stade récent, certains problèmes, en particulier l'appartenance de sites comme Nanteuil-le-Haudouin, Bonneuil (Lieu restauré) et Maurégny ("groupe de Maurégny" de J. Hinout, 1991) qui, à l'Est de l'Oise, partagent plusieurs caractères de la culture de la Somme. Le caractère massif du groupement géographique des particularités (Rozoy 1993 b) ne permet toutefois pas de revenir sur le cadre général de la délimitation dans cette région, ni même d'envisager sérieusement des transitions progressives de culture à culture qui seraient à proprement parler la négation de l'existence même de celles-ci.
La première des problématiques actuelles de l'Epipaléolithique ("Mésolithique") est donc de compléter et préciser le tableau des groupes régionaux, pour chacune des phases successives de la période, ce qui nécessite un nombre important de petites fouilles peu onéreuses, mais que l'on devra bien entendu mener tout aussi bien que les plus importantes, en particulier avec tous les moyens de datation appropriés. Pour les sites de plein-air non recouverts (Roche-à-Fépin) on ne peut compter ni sur les pollens ni sur le radiocarbone et, sur terrain siliceux, pas sur les os non plus; la typologie des silex (outils et "déchets", y compris les caractéristiques du débitage et les chaînes opératoires), leur origine et leur dispersion sur le terrain sont seules disponibles, avec éventuellement une parure en pierre, comme il en fut trouvé une à l'Allée Tortue : il faut faire avec ce que l'on a, dans une région siliceuse sans abris l'alternative est entre cela et l'abandon pur et simple, qui nous condamnerait à laisser toujours de vastes taches blanches sur la carte : or ce ne sont pas les régions siliceuses qui manquent en France. La partie Nord de la France a été citée ici en guise d'exemple, mais la situation dans les autres régions n'est pas fondamentalement différente, elle est même le plus souvent moins facile parce qu'il y a moins de fouilles : la manie des armatures chez les Tardenoisiens et la facilité des fouilles dans les sables expliquant le nombre élevé de points connus dans leur domaine.
La problématique suivante (mais elle est conditionnée par la précédente) est de mettre en évidence l'organisation sociale des archers épipaléolithiques, ou tout au moins le peu que nous pouvons en atteindre. Il faut citer ici les travaux de Tr. Constandse-Westermann (Utrecht, 1984) et de R.R. Newell (Groningen, 1985, 1990) qui, en utilisant les parures, considérées comme des signes d'appartenance sociale, ont pu mettre en évidence la division d'une bonne partie de l'Europe aux différents stades de l'Epipaléolithique et y distinguer les territoires de groupes de population dont l'ampleur correspond tout-à-fait à celle retrouvée indépendamment, à partir des outils, par le présent auteur. Le problème est évidemment de trouver des éléments de parure, qui ne sont pas fréquents, et surtout dans les sites où les coquilles ne sont pas conservés. C'est une autre raison de fouiller les gisements que l'on peut atteindre avant que les travaux ne les détruisent, comme ce fut le cas partiellement à la Roche-à-Fépin par suite de l'interdiction de la fouille par le Conseil "supérieur" de l'époque malgré la menace dûe à la société forestière de la Caisse des dépôts et Consignations, et au site capital du Petit Marais à La Chaussée-Tirancourt du fait (ô ironie !) de la construction d'un parc à voitures pour un archéosite.
La constitution de groupes organisés de chercheurs pour poursuivre le travail important réalisé informellement (sans coût pour la collectivité) sur l'identification des groupes régionaux des archers est une nécessité déjà signalée depuis cinq ans. Elle devient maintenant urgente, pour faire avancer nos connaissances sur l'Epipaléolithique ("Mésolithique"), période très mal représentée (si tant est qu'elle le soit) dans les instances de décision nationales ou interrégionales qui n'admettent plus aucune fouille sous une autre forme. Il en va du maintien de la France dans le peloton de tête en la matière. Nous n'avons guère de possibilités objectives pour la mise en évidence de structures d'habitat dans la tourbe qui font la très légitime fierté de nos collègues d'Europe du Nord, par contre nous pouvons apporter beaucoup en ce qui concerne la répartition des groupes humains sur notre vaste territoire. Celui-ci est en outre au coeur de l'Europe occidentale, et nous sommes fréquemment sollicités, dans les congrès "Le Mésolithique en Europe", pour fournir une documentation permettant à nos collègues des pays voisins de comprendre la situation en continuité, car bien entendu les frontières actuelles n'existaient pas il y a 8 000 ans. Avoir fourni il y a 15 ans un état de la question (Rozoy 1978) avait comblé une lacune regrettable que l'on nous reprochait amèrement, mais il ne faut pas nous endormir sur nos lauriers car nous serions bientôt à nouveau le mauvais élève qui retarde le reste de la classe.
Cet article, déposé à la S.P.F. en janvier 1988, a été actualisé en juin 1993.
La première problématique fut chronologique : présence ou absence d'industries humaines en Europe entre le Paléolithique et le Néolithique. La seconde fut d'établir la continuité des vestiges. Le "hiatus" ne fut vraiment comblé que par l'emploi des stratigraphies fines, du tamisage, par la palynologie et le radiocarbone. Une complication vint du "Campignien" (en réalité néolithique), qu'une typologie très insuffisante tirait de sites de surface. Il eût fallu se fonder sur des éléments clos. L'introduction très positive de la notion de culture, mais couplée avec la méthode si médiocre du fossile directeur unique, mena à la théorie des migrations, en fait une contagion depuis la Protohistoire. On ne put venir à bout de cette troisième problématique que par l'étude de tout l'outillage avec une typologie détaillée (fossiles directeurs multiples), permettant de montrer l'évolution sur place et la grande stabilité des groupes humains dans leurs territoires traditionnels. La compréhension du rôle des armatures dans la chasse et du grand progrès constitué par la généralisation de l'arc avant la fin du froid permit d'en finir avec le misérabilisme attribué aux chasseurs mésolithiques (quatrième problématique) comme avec une dépendance mécanique des industries envers le climat (cinquième problématique). La problématique actuelle est d'abord de compléter et préciser le tableau des groupes régionaux, ce qui nécessite un nombre élevé de petites fouilles bien menées. Cette base permettra ensuite de mettre en évidence l'organisation sociale des archers. Ces deux problématiques exigent la collaboration des chercheurs des régions voisines, dont des exemples parfaits sont fournis par l'attitude amicale des chercheurs picards, belges, luxembourgeois et néerlandais envers le présent auteur. Au-delà de cette coopération informelle, la constitution officielle de programmes interrégionaux organisés exigés par la réglementation actuelle des fouilles devient une nécessité urgente.
The first question was chronological : the presence or absence of human industries in Europe between the Palaeolithic and the Neolithic. The second one was to establish the continuity of the remains. The "hiatus" was filled thoroughly through fine stratigraphies only, sieving, palynology and 14-C. A complication came from the "Campignien" (which is neolithic actually) which was considered from surface sites because of insufficient typology. Research should have been based on closed assemblages. The introduction of the very positive notion of culture, though coupled with the poor method of a unique type fossil, lead to the theory of migrations, in fact a contagion from the protohistorians.We could get rid of that third subject only with the study of the lithics on a whole, with a detailed typology (numerous type fossils), showing evolution on the same area and full stability of the human groups on their traditional territories. Understanding that the armatures were used for hunting and how large the progress was when the bow was brought in general use before the end of the cold alllowed to put an end to the idea of wretched mesolithic hunters (4th question) as much as to mechanical dependance of industries upon the climate (5th question). The present question is firstly to finish and make more accurate the table of the regional groups, which needs a large number of small well conducted digs. That basis will then allow to give evidence of the hunters' social organization. Both problems demand the searchers of neighbouring areas to work together; excellent examples are those of the friendly behaviours of the searchers from Picardie, Belgium, Luxemburg and Netherlands towards the author of this paper. Beyond that informal cooperation it becomes urgent to set up the official structure of interregional organised programs, which are demanded by the current rules about digging.
Pour abréger, l'on n'a donné ici que les indications des ouvrages récents les plus importants. La bibliographie historique sera trouvée dans la thèse de l'auteur "Les derniers chasseurs", parue en 1978, et la plus récente dans l'article du colloque de Chambéry (Rozoy 1993 b).
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Fig. 1 - La flèche de Loshult et ses armatures.
4. et 5. : armatures de la 2° flèche du même gisement.
Fig. 2 - Ahrensbourgien :
Geldrop III-1, tableau équilibré des armatures. Si ce n'est pas de l'Epipaléolithique ("Mésolithique"), qu'est-ce qui en sera ?
Fig. 3 - Sites épipaléolithiques de la vallée de l'Ourthe, d'après Rahir (1907).
Les 80 sites sont en majorité à la rupture de pente, mais il est difficile de savoir quelle est la portée des conditions actuelles de recherche (labour, etc) sur leur découverte. Les petits sites ont été figurés, mais la prospection ne peut être considérée comme exhaustive. En tous cas il n'y a pas de comparaison possible avec le très faible peuplement paléolithique.
Fig. 4 - La continuité Tjongérien - Ahrensbourgien - Epipaléolithique.
Les tendances évolutives passent d'une période à l'autre, les changements sont ceux des armatures (donc du mode de chasse), les outils communs sont ce qui montre la continuité.
A. Burins, perçoirs : La disparition des burins se continue du Tjongérien à l'Ahrensbourgien. Celle des perçoirs, déjà effectuée, se maintient. En Suisse, les deux évolutions vont de pair (réduction plus précoce des burins à Brüggli). Dans le Sud-Est les burins sont déjà réduits.
B. Lamelles à bord abattu, lamelles retouchées : comme dans le Birstal, il y a disparition des lamelles à bord abattu de style paléolithique et ensuite réinvention d'autres lamelles à bord abattu d'un autre style. Ce n'est pas une continuité. Le point bas du graphique est ici antérieur au point bas des burins, dans le Birstal c'est l'inverse. Les lamelles retouchées ont un développement net, mais modéré (il est plus fort en France).
Fig. 5 - La continuité du Sauveterrien classique au Sauveterrien à trapèzes. Fouilles Cl. Barrière.
De bas en haut : couches 5 b (129 outils), 5 a (146 outils), 4 c (302 outils), 3 (191 outils).
Les différences entre les couches 4 c (à triangles) et 3 (à trapèzes) sont faibles. Les taux d'éclats retouchés (2° classe) augmentent de couche en couche. La liaison du Sauveterrien classique au Sauveterrien récent à trapèzes est montrée, outre ces éclats retouchés, par les lames et lamelles Montbani (dernière classe) et par la persistance en couche 3 des armatures du stade moyen (colonnes 7 à 10).
Fig. 6 - Tardenoisien, Ardennien et culture de la Somme.
La ligne hachurée figure le massif primaire ardennais. Pour les noms des sites, voir Rozoy 1978 et Rozoy 1993 b. Les deux traits en tireté au bord de l'Ardenne figurent les limites successives de l'Ardennien et du Tardenoisien au stade ancien (la plus au Nord, incluant Roc-la-Tour dans le Tardenoisien) et au stade moyen (incluant Marlemont dans l'Ardennien). Par contre la limite postulée près d'Amiens entre La Chaussée Tirancourt et Dreuil est illusoire, comme dit au texte, seule la limite sur l'Oise paraît valable, sous réserve même des hésitations actuelles concernant Nanteuil, Bonneuil et Maurégny. Forêt et gibier étant analogues sur les différents sols, il semble que les archers se soient délimités en fonction des bassins fluviaux : les Ardenniens dans celui de la Meuse, la culture de la Somme dans celui de la Somme, et aussi des cours des fleuves : l'Oise entre Tardenoisien et culture de la Somme, la Seine entre les Tardenoisiens Nord et Sud.
Fig. 7 - L'opposition entre le Tardenoisien (Sablonnière de Coincy) et l'Ardennien (les 3 autres graphiques).
La différence des taux d'armatures est à son maximum. La composition d'outillage est homogène dans l'Ardennien pour les outils du fonds commun, mais à Oizy les grattoirs remplacent une bonne part des éclats retouchés (le total des deux classes restant inchangé). Les lames retouchées (n° 30) sont abondantes, en opposition au Tardenoisien. Pour les armatures, les graphiques se différencient par rapport au stade ancien (Les Mazures) : disparition des isocèles (n° 77), apparition des segments (8° colonne), des pointes à retouche couvrante (11° colonne). Oizy est le seul à n'avoir pas de scalènes. Les rares trapèzes sont des mêmes types : trapèze de Vielle (n° 95), trapèzes symétriques (98-99) et aussi les lames et lamelles Montbani (à retouches unilatérales, n° 109-160).
Fig. 8 - Les outils sur lamelles au sein des outils communs.
T : Tardenoisien. - A : Ardennien.
- L : Limbourgien. - En marge gauche : l'Ahrensbourgien. Les sites
sont classés selon la chronologie relative déduite
des sériations et partiellement confortée par le
C-14.
La divergence entre Tardenoisien et Ardennien est manifeste pour
tout le stade moyen, mais elle s'estompe avant l'adoption
des trapèzes (Lendemain, Montbani-12). Les sites encadrés
ont été fouillés après la première
publication de ce graphique (Les derniers chasseurs, 1978, p.
660). Ce graphique avait une valeur prédictive : La Roche-à-Fépin
(A cerclé), sur le massif ardennais, s'intègre parfaitement
à l'évolution de l'Ardennien, Le Tillet (à
l'Ouest de l'Oise) est tout-à-fait en dehors des normes
tardenoisiennes et s'intégrera au graphique de la Somme
quand on pourra le constituer, Tigny (à l'Est de l'Oise)
est parfaitement tardenoisien.
Fig. 9 - Taux d'armatures dans la culture de la Somme et le Tardenoisien. (d'après Rozoy 1993 b).
Les sites sont classés
selon la chronologie relative déduite des sériations
et partiellement confortée par le C-14. Pour les noms des
sites consulter Rozoy 1993 b.
La différence est très manifeste aux stades ancien
et moyen, du fait de la "manie des armatures" dans le
Tardenoisien, mais elle diminue à la fin du stade moyen
et disparaît complètement aux stades récent
et final, que l'on compte avec (trait plein) ou sans (tireté)
les lames et lamelles Montbani. Mais les éléments
qualitatifs dits au texte plaident pour le maintien de la distinction.
Les deux anomalies (pointillés verticaux) n'ont pas la
même valeur : pour Hangest il s'agit d'une différence
des tris, de nombreux éclats peu retouchés semblent
n'avoir pas été retenus, la présence de 101
nucleus assure que le taux d'armatures est beaucoup plus bas selon
les critères de tri retenus pour les autres sites. Par
contre, pour Nanteuil-le-Haudouin Raoul Daniel n'a certainement
pas laissé passer d'armatures, la valeur est fiable, on
pourrait rattacher ce site à la culture de la Somme s'il
n'y avait d'autres éléments plus tardenoisiens,
la question reste en discussion. Mais le groupement régional
des valeurs reste dans l'ensemble massif et déterminant
pour les stades ancien et moyen.