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Docteur Jean-Georges Rozoy


Résumé des abréviations utilisées dans les articles : consulter la liste.

1993

Dr J.- G. Rozoy

TECHNIQUES DE DELIMITATION DES CULTURES

EPIPALEOLITHIQUES : LA CULTURE DE LA SOMME



Les principes généraux de la délimitation des cultures ont été exposés déjà (Rozoy 1990, 1991 a, b, 1992 b). L'essentiel en est l'utilisation tous les éléments disponibles (lithiques ou autres, qualitatifs comme quantitatifs), et surtout la prise en compte du matériel, de l'alimentation, du mode de vie etc. dans leur globalité et aussi dans leur évolution au cours du temps dans chaque région (Rozoy 1992 a).

La quantification des types ou des classes typologiques est depuis F. Bordes (1950) et D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot (1953) un élément de base de beaucoup de méthodes modernes. Elle est indispensable, mais non suffisante à elle seule. Une quantification sur des éléments choisis arbitrairement peut être parfaitement illusoire, et ne "démontrer" que les idées préconçues (peut-être inconscientes) qui ont présidé au choix. On connaît la célèbre définition : "il y a trois degrés de mensonge : le mensonge simple, le damné mensonge et la statistique". Le plus grave est que cela peut être involontaire, et que dans ce cas le chercheur lui-même est le premier dupé.

La prise en compte de la totalité de l'outillage (y compris déchets, styles de débitage et des outils, indices techniques etc) est le complément indispensable de la quantification, elle est au moins aussi importante que celle-ci. F. Bordes et D. de Sonneville-Bordes y ont toujours insisté. Il importe aussi d'y ajouter (quand on le peut) d'autres éléments tels que l'art, la nourriture, les sites utilisés, etc. Les graphiques cumulatifs, complétés par toute une batterie d'indices, sont une excellente technique permettant l'appréciation synthétique de l'ensemble de l'industrie. Ce n'est pas la seule, mais c'est certainement, pour un esprit un peu entraîné, la plus commode et la plus globalisante. Les résultats et les clarifications qu'elle a permis d'obtenir pour les lanceurs de sagaies du Paléolithique supérieur et pour les archers épipaléolithiques en témoignent. Les vestiges de ces cultures de chasseurs sont en effet assez simples et assez peu différenciés pour que l'on puisse, dans la grande généralité des cas, tabler sur la valeur statistique des séries dépassant une centaine d'outils retouchés (pour plus de détails, v. Rozoy 1978, chap. 3 et 5). Toutefois les graphiques cumulatifs, qu'ils soient faits par types et pour toute la liste (fig. 3, 4) ou par types et/ou classes et pour une catégorie (fig. 5 et 6), ne permettent la comparaison que d'un petit nombre de séries, 4 ou 5 au plus, ils sont surtout utiles pour affronter soit des sites contemporains sis dans des régions différentes (fig. 4, 6), soit des sites de la même région (fig. 3, 5) avec ou sans écart chronologique. Pour saisir l'évolution au long terme, des graphiques distincts pour divers indices sont plus parlants (fig. 7 à 11).

Le groupement géographique des particularités (typologiques, stylistiques ou autres) est la base même de la délimitation des cultures. Ces particularités n'ont le plus souvent pas d'importance dans la vie quotidienne des chasseurs. Nous ne voyons pas de différence marquée entre les modes de vie d'archers mettant deux ou trois tranchants latéraux à chaque flèche ou n'en mettant pas ou peu, ou faisant des pointes du Tardenois classiques ou en ogive surbaissée (fig. 2). Mais cela permet de distinguer le Tardenoisien de ses voisins (culture de la Somme, Ardennien, fig. 1). Ce ne sont donc pas des "virtuosités méthodologiques stériles" comme le soutiennent sans aménité les fanatiques de la "New Archaeology".

L'utilisation de tous les gisements étudiables, sans exception, est une importante garantie. Ignorer les sites publiés par certains collègues est le meilleur moyen de se tromper soi-même. Il faut évidemment que les décomptes des industries aient été fournis, et qu'ils soient fiables. Une importante lacune a ainsi été comblée lorsque J. Hinout (1984) a publié 22 décomptes, dont 16 de ses propres fouilles depuis 1963 et 6 d'autres fouilleurs : Chevallier (2 séries inédites), Parent et Fagnart. Il y manque le compte des nucleus, on peut parfois le trouver (Hinout 1962 a, b, 1989, 1990, 1991 a, b), ce qui rend l'étude possible. 7 de ces sites font partie du Tardenoisien-Sud et ne seront donc pas discutés ici, les autres sont intégrés aux divers tableaux ci-après. Avec les travaux de R. et M. Daniel (cf), R. Parent (cf) et du présent auteur, on parvient pour le Tardenoisien-Nord à 31 sites décomptés, tous issus de fouilles (16 des stades ancien et moyen et 15 des stades récent et final) qui forment une base de comparaison solide pour les 17 (8 et 9) sites de la Somme ou des régions voisines. Dans les tableaux on a rétabli, lorsqu'on l'a pu, les décomptes selon une série unique de critères (Rozoy 1969, 1978). Les décomptes non rectifiés sont signalés par une *.

La distinction de la culture de la Somme et du Tardenoisien-Nord (fig. 1) permettra de préciser certaines nécessités de la méthode, notamment la comparabilité des tris effectués, et d'en discuter la faisabilité. On utilisera aussi les différences avec une autre culture encadrante : l'Ardennien. La distinction de ces cultures, ébauchée précédemment sur la base des éléments alors disponibles (Rozoy 1976, 1978, 1990, 1991, 1992), peut maintenant être précisée considérablement grâce aux excellents travaux menés récemment en Picardie par J.-P. Fagnart (1981, 1982, 1991), Th. Ducrocq (1987, 1989, 1991 a, b) et I. Ketterer (1992) auxquels il n'est que juste de rendre hommage tant pour la qualité et l'importance des fouilles que pour la rapidité et la clarté de leur publication. Celle-ci est encore partielle, mais ils ont rendu compte de l'essentiel dans des formes aisément utilisables et des délais brefs auxquels d'autres recherches ne nous avaient pas habitués.

Les sites utilisables

La valeur diagnostique des séries de la Somme est variable : certaines viennent de ramassages ou fouilles de surface, lors desquels les catégories d'outils peuvent avoir subi d'importantes distorsions numériques ou destructions par les engins, mais elles sont utilisables qualitativement et pour les rapports entre types d'armatures et avec les nucleus; d'autres proviennent de fouilles ou de sauvetages, parfois de couches mélangées à d'autres cultures ou qui n'ont pas fourni assez d'objets pour l'emploi de certaines statistiques, ou dont la publication n'est pas encore complète. Dans la plupart des cas on ne peut utiliser qu'une partie des sites et (ou) une partie des indices. Le lecteur excusera les vides du tableau, certains documents n'ayant pu être consultés en temps voulu, mais on a jugé préférable de maintenir les sites dans la liste.

Tableau 1 - Principales données


Culture de la Somme :
Outils Ecl.ret.Armat.Montb.Nucl.Microb. Poids
Stades ancien et moyen :
Hailles "Le Marais" (Ducrocq 1989a, Rozoy 1993b). 117 28 37 - 25 23 7 106
Hangest "Gr.Lhotelier II Nord" (Ketterer 1992). * 134 ? 70 - 101 75 33 000
Beaul.-l.F. "Haute Borne" (Fagnart Roussel 1981) 275 25 79 9 98 25 ?
Ailly "Le Marais de Berny" (Ducrocq 1991 b). * 28 7 10 - ? 1 ?
+Longpré Grav.Merq.(Fagnart 1982, Ducrocq 1991 b) *+ + 45 - + 41 +
Chauss.T. Pet.marais (Samara) (Ducrocq 1991 b) * 496 61 295 - ? 7 ?
Tillet "Voierie Besnard" 1 (f. Rozoy en cours) 1023 290 364 20 189 296 58 000
Tillet "Voierie Besnard" 2 (f. Rozoy en cours) 783 216 266 7 79 164 33 000
Outils Ecl.ret.Armat.Montb.Nucl.Microb. Poids
Stades récent et final :
Thennes "Le grand marais IV" (Ducrocq 1991 b). * 10 0 ?
°° Gentelles (Ducrocq 1987) 203 12 58 68 188 40 °°
Dreuil-les-Amiens (Fagnart 1991,1993, Rozoy 1993b) 901 °°° 315 236 252 588 118 000
Amiens-Etouvie (Fagnart 1991) * x x 34 x x 33 x
Vraignes 1 (Fagnart 1991, Rozoy 1993 a) °°° °°° 52 °°° 29 44 12 054

Belloy-s.S."Plaisance" (Rozoy 1978) sil.translucide 243 12 84 50 x 3 69 x
Vraignes 2 (Fagnart 1991, Rozoy 1993 a) °°° °°° 13 6 °°°4 8 1 760
° Ognolles - L'Abbaye aux bois (Fagnart 1991) * ?
° Equihen - Hardelot (Dutertre 1936, qualitatif) ? ? ? ? ? ? ?

Tardenoisien-Nord :

Stades ancien et moyen :
Roc-La-Tour II (Rozoy 1978) 198 25 103 2 8 73
Saponay Carrière (Hinout 1989 a)
St Jean-aux-bois (Hinout 1984) 915 47 696 38 ? 47
Piscop-Giraud (Giraud, Rozoy 1978) 466 17 242 15 25 311
Piscop-Daniel (Daniel 1965, Rozoy 1978) 265 8 138 15 19 124
Piscop-Champagne (f. Champagne, Rozoy 1978) 89 1 52 1 5 54
Saponay Abri (Hinout 1989 a)
Coincy Sablonnière I (Daniel 1932, Rozoy 1978) 202 13 139 1 5 59
Coincy Sablonnière III (Quatrehomme, Rozoy 1978) 206 20 116 2 6 6
Nanteuil-le-Haudouin (série Daniel, Rozoy 1978) 101 9 34 3 6 6
Mont N.D. Montbani II (Parent 1972, Rozoy 1978) 545 54 261 25 26 163 10 000
Coincy Sablonnière II (Parent 1973, Rozoy 1978) 358 76 154 12 35 49 8 600
Villeneuve/Verberie, Le Margamin (Hinout 1984) 430 57 220 20 ? 34
Coincy Chambre des Fées (Hinout 1964) 667 85 276 22 100 52
Tigny - Les Marnières (f. Chevallier, Hinout 1984) 170 18 85 6 8 41
Tigny - Les Marnières (Rozoy 1990) 412 58 198 13 29 105 23 300

Stades récent et final :
Mont N.D. Montbani-12 (Daniel 1948, Rozoy 1978) 126 7 49 8 9 15
Mont N.D.Montbani-13 (Daniel 1948, Rozoy 1978) 1500 15 715 354 71 562
Fère Parc Anc.Chât.(Daniel 1933, 1948, Rozoy 1978) 129 2 58 22 17 18
Berru (Hinout 1984) 154 13 76 10 ? 87
Oulchy-La Bayette (Hinout 1962, 1984, 1990) 1643 400 418 472 164 88
Villen./F. Chinchy (Agache 1963, Hinout 1984, 89) 516 59 161 159 47 76
Bonneuil-Lieu restauré (Hinout 1991 a) 313 46 94 92 58 98
Maurégny-en-Haye (Hinout 1991 b) 920 78 296 402 133 44

Fère en T. Allée Tortue I (Hinout 1962, 1984) 363 18 153 164 25 69
Fère en T. Allée Tortue II (Parent 1967, Rozoy 1978) 626 35 132 327 59 168
°Fère enT.Allée Tortue III (Chevallier Hinout 1984) 795 ° 15 411 338 ? 79
Fère en T. Allée Tortue IV (Rozoy 1978, et inédit) 587 73 176 195 27 139 14 646
Fère T. Allée Tortue X a (Rozoy Slachmuyld.1990) 1551 95 579 570 102 1122
Fère T. Allée Tortue X b (Rozoy Slachmuyld.1990) 1368 103 514 515 124 991
Fère T. Allée Tortue XIV (Rozoy Slachmuyld.1990) 795 79 244 293 40 271 35 000

+ : Mélange avec du Paléo.sup., seules les armatures peuvent être distinguées.
x : Mélange avec la culture du Gord, donnée inutilisable.
° : Tri à la récolte. °°: Surface, données douteuse (ramassages).
°°° donnée non utilisable (pseudo-outils dûs aux engins agricoles).

Equilibre général des outillages

Dans le cas qui nous concerne, l'outillage lithique est la base presque unique des comparaisons, les gisements fouillés dans le Tardenois étant presque tous sur des sables siliceux où les os ne se conservent pas. Les seuls indices non typologiques accessibles (dans les meilleurs cas) sont le diamètre et la forme de la dispersion des silex (Rozoy et Slachmuylder 1990), mais ils ne paraissent pas connus pour la plupart des sites de la Somme. On pourrait évidemment discuter (comme Th. Ducrocq, 1989, le fait à juste titre) la position des gisements par rapport à la vallée ou à la nature du terrain, mais jusqu'ici cela ne reflète dans le Tardenois que la disposition des gîtes géologiques de sable tertiaire, seuls prospectés. La recherche y est, on le sait, plus agréable et 20 à 40 fois plus rapide que sur les limons argileux (Rozoy 1978, p. 565), en outre cela dispense du plus gros des mélanges avec le Néolithique. Dans la Somme les fonds de vallées ont été surveillés tout spécialement, d'où un biais inverse qui a le grand mérite de fournir des gisements avec matériel organique, mais la comparaison des choix des archers dans les deux régions n'est pas encore possible.

Le taux d'armatures est un premier élément essentiel. On sait qu'il varie très fortement selon les cultures, de 20 % à 80 % et plus (Rozoy 1978). Th. Ducrocq (1991, p. 29) note, pour ses 4 gisements étudiables du stade moyen de la Somme, qu'il est "d'une suprenante stabilité". Il trouve en effet 62,7 % d'armatures pour Hailles, 62 % pour Hangest et 59,5 % pour "Le Petit Marais" à La Chaussée-Tirancourt (Samara). Ailly, avec 10 armatures sur 28 pièces, n'est guère utilisable à ce niveau. Deux précisions sont dès ce point indispensables, et ont valeur générale pour la méthode. Tout d'abord, Th. Ducrocq n'obtient cette "surprenante stabilité" que lorsqu'il prend en compte les pièces "utilisées" et les ajoute aux outils communs. C'est aussi la pratique constante du présent auteur, qui a renoncé depuis longtemps, faute de critères simples, à discriminer à vue les éclats et lames "retouchés" et "utilisés". D'ailleurs, le fait d'une utilisation visible est évidemment constitutif de l'entrée dans la catégorie "outils". Beaucoup d'utilisations ont certainement existé, qui ne sont perceptibles qu'avec des instruments et préparations sophistiqués. Mais la remarque de Th. Ducrocq doit en tous cas nous pousser à prendre en compte tout au moins les pièces dont la modification morphologique est aisément visible (au plus avec une loupe) parce qu'elle est plus intense. La stabilité de ce taux n'est aucunement une surprise, cela traduit des habitudes de travail propres au groupe humain en cause.

Les critères de tri variables selon les chercheurs sont un autre écueil, très important, à éviter soigneusement. Certes chacun a le droit de trier selon les critères qu'il juge les mieux adaptés à l'objet étudié. Mieux vaut les indiquer clairement. D. de Sonneville-Bordes (1958, p. 414, en note) écarte des décomptes "les éclats, lames et lamelles sans retouches ou avec quelques retouches". Il s'agit du Paléolithique supérieur, et l'expérience a abondamment démontré que, dans ce cadre, cette pratique est parfaitement valable. D'ailleurs il y a très peu (tout au moins dans les séries magdaléniennes que le présent auteur a eu l'occasion de trier lui-même : Roc-La-Tour I, Moosbühl, Brüggli) de ces éclats retouchés sans forme définie qui sont si abondants dans certaines cultures épipaléolithiques (notamment l'Ardennien et le Birsmattien... et la culture de la Somme) où il faut donc bien les retenir. Mais ce serait scientifiquement un biais inacceptable que de comparer sans autre précaution ni avis des décomptes effectués par des auteurs utilisant des critères de tri différents. Cet obstacle est difficile à surmonter parce que personne ne quantifie la limite de prise en compte des "quelques retouches" (et souvent cela va assez loin) ou l'intensité de l'"utilisation" présumée. Les retouches d'utilisation expérimentales du Pr F. Bordes (1971 et Rozoy 1978, p. 29) montrent d'ailleurs la grande difficulté, en fait l'impossibilité pratique, d'une telle distinction. Une telle différence dans l'appréciation de la limite à retenir est certainement la source de la divergence entre Th. Ducrocq (60 % d'armatures dans les trois sites de la Somme) et le présent auteur (37 % d'armatures au Tillet-2). La seule solution est de refaire le tri par le second auteur - si le premier est assez aimable pour l'admettre. Tout le monde n'a pas l'élégance extrême du Pr H. G. Bandi (1968) ajoutant à l'impression une note infrapaginale pour signaler le nouveau tri fait par un collègue. On remarque d'ailleurs que l'excellent travail d'Isabelle Ketterer (1992) sur Hangest déclare maintenant, à la suite d'un nouveau décompte plus poussé, 53 % d'armatures pour ce site (62 % pour Th. Ducrocq), bien qu'elle exclue certaines catégories (lamelles cassées dans l'encoche et autres) qui sont incluses dans les décomptes du présent auteur pour le Tardenoisien. La comparaison n'est donc possible qu'à égalité de critères de tri et de prise en compte.

Les différences sur la conception des outils sont une autre forme de cette difficulté. Il ne s'agit plus ici des seuls éclats retouchés, considérés par certains (même dans les sites sableux !) comme accidentels par piétinement, par d'autres comme des "outils de fortune" n'ayant pas la même valeur culturelle que les autres. Ni des tris opérés sans lunettes par des presbytes, cas plus fréquent qu'on ne le pense; d'ailleurs un deuxième et même un troisième tri par le même chercheur retrouvent toujours de nouveaux outils restés dans le déchet. Mais la question est celle de l'inclusion (ou non) dans la liste de pièces dont on peut douter qu'elles aient valeur d'outils. Par exemple les lamelles cassées dans l'encoche, que nombre de chercheurs rangent avec les microburins, ce qui se comprend, ou les "piquants-trièdres" d'I. Ketterer (1992). Mais dans le Tardenoisien, cela peut représenter jusqu'à 10 % des outils pour les seules lamelles cassées dans l'encoche, plus les lamelles retouchées. La comparaison des taux d'armatures (ces pièces et les éclats retouchés étant exclus) avec ceux du Tardenoisien (qui les prennent en compte) est illusoire, cela a échappé à A. Gob (1981, p. 278). On peut encore citer les couteaux à dos naturel, les pièces émoussées et même les pièces esquillées - parfois très nombreuses. Le "décompte des outils" est un décompte d'objets caractéristiques, permettant d'identifier un groupe humain et de le différencier des autres, dans le temps et/ou dans l'espace. Il est aussi légitime d'y compter les lamelles cassées dans l'encoche que de faire des graphiques "délamellisés" pour le Magdalénien supérieur, où les lamelles à bord abattu (et leurs fragments) écrasent tout le reste.

L'obstacle des critères de tri a pu être contourné grâce à l'obligeance de Th. Ducrocq qui a communiqué à l'auteur en urgence pour la réunion de Chambéry des décomptes d'éclats "utilisés", de lamelles à coche et de nucleus pour Hangest et des estimations pour Le Petit Marais (Samara), puis lui a confié la série de Hailles pour y opérer son tri selon ses critères. J.-P. Fagnart a mis aussi à sa disposition, dans d'excellentes conditions, le matériel de tous les sites dépendant de lui. Cette attitude scientifique qui n'est hélas pas universelle doit être saluée comme elle le mérite. Ces éléments montrent l'importance généralisée des éclats retouchés et des outils communs dans la vallée de la Somme. On peut espérer bientôt des comparaisons plus précises par graphiques cumulatifs comme sur la fig. 4. En attendant, la fig. 7 fournit un premier état en fonction des éléments disponibles. Les taux d'armatures dans la Somme ont été rectifiés pour Le Petit Marais en écartant les lamelles à bord abattu comme dit ci-après, pour Hailles par suite d'un tri personnel du matériel. Pour Hangest, faute momentanément de cette possibilité, on a figuré le taux (52 %) de la dernière étude publiée, celle d'I Ketterer (1992). Mais on voit que ce taux, comme prévu en fonction du nombre élevé de nucleus (101 pour 71 armatures, voir ci-dessous), est certainement influencé par les critères de tri différents de ceux retenus maintenant pour les autres sites, car il diverge franchement de l'ensemble régional qui est par ailleurs "d'une remarquable stabilité", pour reprendre les termes de Th. Ducrocq, mais sur ces critères c'est autour de 30-35 % d'armatures, c'est-à-dire une inversion des proportions trouvées avec les autres critères, et une opposition nette avec le Tardenois.

Le rapport nucleus/armatures est un assez bon substitut pour le problème précédent. En effet, les différences d'appréciation portent essentiellement sur les outils du fonds commun. Ni les armatures ni les nucleus ne passent habituellement inaperçus au tri, bien que parfois l'inclusion de certaines pièces peu pointues dans les armatures puisse gonfler indûment leur effectif et réduire celui de la 6° classe. Tout au plus les nucleus les plus médiocres (non "organisés", Ketterer 1992) seront-ils laissés de côté, mais la plupart sont toujours retenus. Or le nombre des nucleus est lié à celui des outils communs, ou tout au moins des outils sur éclats et surtout des outils assez grands. La seule catégorie d'outils communs dont la fabrication n'entraîne pas la présence de nombreux nucleus est celle des lamelles retouchées (et "utilisées"...) de la 6° classe, d'ailleurs souvent écartée ou négligée comme constituée de "pièces de technique" et/ou de lamelles trop peu retouchées. Un nombre important de nucleus, par exemple 35 ou plus pour 100 armatures (et jusqu'à 200 et plus), signe à coup sûr la présence de nombreux outils communs. Si ceux-ci ne figurent pas dans le décompte, c'est que l'auteur ne les a pas considérés comme de "vrais" outils, comme ce fut le cas au Musée d'Histoire de Berne où pour chaque couche de Birsmatten il y avait une boîte d'"éclats avec des retouches intentionnelles", non pris en compte ni signalés dans l'outillage publié (Bandi 1963). J. Hinout, lui, les publie à part.

Le nombre des nucleus est aussi un bon indice de la validité (ou non) des éclats retouchés, dont on peut douter dans les couches pierreuses (mais le piétinement ne fabrique pas de nucleus). Les deux séries du Tillet, les plus proches géographiquement du Tardenois, sont hors des normes du stade moyen du Tardenoisien-Nord avec 53 et 37 nucleus pour 100 armatures, contre 2 à 10 dans le Tardenois au même moment. Les nombres de nucleus des sites des stades ancien et moyen de la Somme ne sont actuellement pas tous publiés ni même établis, mais les informations fournies verbalement par Th. Ducrocq et le mémoire de D.E.A. d'I. Ketterer permettent de conclure. Au Petit Marais (fouille en cours) il y a beaucoup de nucleus, des centaines, au moins 50 pour 100 armatures et peut-être 100. A Hangest 2 Nord il y a 101 nucleus (dont 88 "organisés"), ce qui pour 70 armatures pointues fait un rapport de 144. Les autres taux publiés pour la Somme confirment aussi ceux du Tillet : Hailles 68, la Haute Borne 124, Gentelles 324 (en ramassage, qui favorise les nucleus, mais quand même !). Que l'on rétablisse ou non les outils non retenus, ces valeurs sont décisives pour la comparaison avec le Tardenoisien où le rapport nucleus/armatures dépasse rarement 25 et est plus souvent au-dessous de 10, surtout au stade moyen (fig. 8). Il y a donc bien un groupement géographique (à l'Ouest de l'Oise) de cet usage plus important des outils communs, entraînant la présence de nombreux nucleus.

Les outils du fonds commun

Les outils communs fournissent, on le sait (Rozoy 1990, 1991, 1992), plus d'indices sur l'espace et les armatures, plus sur le temps. C'est tout au moins le cas général. Le taux global d'outils communs, fortement influencé par celui des éclats retouchés, est en principe le complément du taux d'armatures qui a été discuté ci-dessus. Restent donc à examiner les proportions ou styles des diverses catégories d'outils communs. (Les choses ne sont pas si simples et la dichotomie armatures/outils communs est trop simplificatrice : il existe d'autres catégories que l'on ne peut assimiler ni aux unes ni aux autres, ceci sera traité plus loin). Th. Ducrocq (1991 b) trouve "très difficile" de classifier (chronologiquement) ses gisements sur la base des outils communs, c'est-à-dire des variations numériques ou stylistiques de site à site entre catégories d'outils communs. Cela montre une fois de plus la cohésion du groupe régional en la matière et sa faible variation dans le temps en ce qui concerne ce critère, tout au moins au sein des stades ancien et moyen (mais on verra plus loin que cela s'étend aussi au stade récent). Les seules séries assez abondantes pour l'aspect statistique de ce type d'étude sont actuellement dans la Somme Le Petit Marais (201 outils communs reconnus), Hailles (75 outils communs, nouveau tri Rozoy) et Hangest (63 o. c. reconnus), et dans l'Oise les deux séries du Tillet (420 et 241 o. c.). Au Petit Marais l'outillage commun, très divers, est "dominé par les grattoirs" selon Th. Ducrocq (1991 b). C'est la vue traditionnelle, sans prendre en compte les éclats retouchés. Si l'on compte ceux-ci (en fonction du tri de Th. Ducrocq et en y comprenant les éclats "utilisés" admis par lui), on trouve 61 éclats retouchés et "utilisés" et 59 grattoirs, soit 120 pièces au total, pour 201 outils communs et 295 "armatures", dont seulement 98 pointues. Pour Hangest (Ketterer 1992) il y a 5 éclats (et 1 lamelle) retouchés reconnus, plus 43 "pièces utilisées" (éclats, lames et lamelles confondus) et 3 grattoirs pour 63 outils communs, 1 lamelle à bord abattu et 70 armatures pointues, le taux d'armatures pointues est élevé, 52 %, toujours sous réserve de la reconnaissance des éclats et lamelles retouchés comme outils puisque les 101 nucleus ne laissent pas de doute sur l'existence d'un plus grand nombre d'outils communs non retenus. A Hailles le nouveau tri fournit 28 éclats retouchés et 4 grattoirs, mais aussi 24 outils sur lamelles et 13 sur lames. Il n'y a donc pas de dominance des grattoirs, mais bien des éclats retouchés ou "utilisés".

Les outils communs sur lames et sur lamelles (5° et 6° classes) fournissent selon les cultures des rapports numériques souvent très différenciés. Dans le Tardenoisien il y a beaucoup plus d'outils communs sur lamelles que sur lames, le rapport est toujours supérieur à 2 et le plus souvent à 3, pouvant aller jusqu'à 10. Dans l'Ardennien, en liaison avec le style de débitage "Coincy modifié" qui est plus épais, on trouve plus d'outils communs sur lames, le rapport est inférieur à 2 (fig. 9). De même, les rapports numériques des outils sur lames ou sur lamelles avec le total des outils communs évoluent très différemment dans les deux cultures au cours du temps (fig. 10), la manie des armatures du Tardenoisien, particulièrement marquée au début du stade moyen, s'accompagnant de la fabrication (fût-ce à titre de déchets) d'une multitude d'objets sur lamelles. Ce critère a été l'un de ceux qui ont permis la sériation du Tardenoisien (Rozoy 1978, p. 389-395 et pl. 108). Les décomptes des deux séries du Tillet (86/96, soit 0,87, et 119/106, soit 1,12) montrent que la pratique dans la culture de la Somme était différente aussi de celle du Tardenois (fig. 10, Til encadré). Les dessins de nos collègues semblent montrer qu'il en va de même dans la vallée de la Somme. Comme déjà dit (mais devant tant de réticences il est nécessaire de le répéter), peu importe que ce soient des outils ou non, ce sont des objets caractéristiques permettant de distinguer les groupes humains. Il est donc regrettable que beaucoup de sites bien fouillés ne soient pas publiés en détail, les auteurs qui ne s'intéressent pas à ces outils ou objets jugeant inutile de les détailler, indiquant globalement soit l'ensemble des objets à débitage laminaire, sans distinguer lames et lamelles, soit l'ensemble des objets (éclats, lames et lamelles) "utilisés", ou même ne donnant aucun décompte et se limitant au qualitatif comme au XIX° siècle. De tels comptes-rendus de fouille ne sont que très partiellement utilisables par les autres chercheurs. Il n'est peut-être pas superflu de rappeler que le chercheur qui reçoit une autorisation de fouille s'engage par le fait même de sa demande à publier intégralement ce qu'il a trouvé. On pourrait s'étonner que les autorités de tutelle, si sourcilleuses parfois sur l'utilité d'une fouille non recommandée par un professeur influent, ne tiennent pas la main à la publication détaillée qui ne demande pas au chercheur un effort bien excessif. C'est admettre sur ce point un recul de 40 ans dans les techniques de recherche. Mais notre ministère de tutelle ne s'intéresse qu'à la gestion, la recherche n'est pas son domaine...

Les outils spéciaux

L'abondance des lamelles à bord abattu (et de leurs fragments) au Petit Marais pose évidemment un problème, car on ne sait si on doit les compter dans les outils communs (en tant qu'éléments de couteaux complexes) ou dans les armatures (comme tranchants latéraux, mais cela n'a jamais été trouvé en fouille jusqu'ici, et les traces d'usage seraient les mêmes que sur les couteaux). Leurs variations numériques désordonnées dans les cultures des archers sont bien connues (Rozoy 1978). De toutes façons, leur nombre est très exagéré par la fragmentation dûe au piétinement. On obtient une estimation de ce biais en décomptant celles qui comportent le bulbe ou (et) l'extrémité distale. Dans le Magdalénien de Roc-La-Tour I leur nombre a été quadruplé par la fragmentation (Rozoy 1988). On ne peut être sûrs qu'il en va de même ailleurs et en d'autres temps, mais c'est une indication : les 197 lamelles étroites à bord abattu du Petit Marais pourraient n'avoir été au départ qu'environ 50, ce qui réduirait les armatures à 150 pour 201 outils communs (43 %). Il est probablement plus sûr de faire des lamelles à bord abattu une catégorie à part et de ne les compter ni dans les armatures ni dans les outils communs, le taux d'armatures pointues du Petit Marais serait alors de l'ordre de 33 % (98 armatures pointues et 201 outils communs).

Les lames et lamelles Montbani posent pour les stades récent et final un problème analogue, elles ne font pas partie des outils "communs", dont elles sont absentes pendant plusieurs millénaires. Th. Ducrocq (1987) a donc raison de les traiter à part. On a constaté depuis longtemps une nette baisse du taux d'armatures à ces périodes (fig. 7). Mais si l'on écarte les lames et lamelles Montbani, (jusqu'à 50 % et plus du total), le taux d'armatures remonte à des valeurs comparables à celles du stade moyen (fig. 7, en tireté). Il est probable que les lames et lamelles Montbani ont servi à des usages qui précédemment étaient soit non entrepris, soit assurés par un autre moyen que le silex. Leur intrusion ne réduit donc qu'en apparence l'emploi des autres outils, et pour comparer sainement les usages de ceux-ci aux stades moyen et récent il faut éliminer les intrus. On peut alors juger des rapports d'emploi entre armatures et, par exemple, éclats retouchés ou grattoirs. Les variations chronologiques ou spatiales de ces rapports peuvent suggérer des appréciations sur les limites des cultures en cause.

Les armatures

Le style de confection des armatures est dans la culture de la Somme au stade moyen tout-à-fait le même que dans le Tardenois. Les pièces sont belles, minces, les retouches bien abruptes, égales entre elles, forment des lignes régulières, les formes sont classiques et semblables à celles de la région éponyme. Cette identité tranche avec l'oposition entre Ardennien et Tardenoisien à ce sujet (fig. 2). Le style de débitage est aussi le même, c'est le style de Coincy tout-à-fait semblable à celui du Tardenoisien moyen. Cela a bien été souligné et quantifié par I. Ketterer (1992). Le style de Coincy est d'ailleurs très répandu au stade moyen, il est partagé par dix ou vingt cultures. La confection d'armatures minces et bien régulières est de même le cas, outre les deux Tardenoisiens (Nord et Sud) et la culture de la Somme, du Limbourgien, de la culture de la Saône, de Kerjouanno en Bretagne (Rozoy 1978, pl. 203), mais aussi du Beaugencien ancien et moyen et du Sauveterrien, dont cependant les styles de débitage (non décrit ni dénommé pour le Beaugencien, de Rouffignac, Rozoy 1968, 1969, pour le Sauveterrien) sont très différents. Le lien entre le style de débitage et celui des armatures n'est donc pas univoque, le même phénomène se retrouvera au stade récent avec le style de Montbani-Montclus et les trapèzes (retouchés à droite au Nord de la Seine, à gauche au Sud, où ils sont plus courts, etc). Une ou même deux communautés de style (et/ou d'autres éléments) ne sont aucunement une preuve suffisante qu'il s'agisse d'un même groupe de population, d'autres facteurs, plus ou moins nombreux, pouvant être différents. Il faut juger sur l'ensemble.
Le déséquilibre numérique entre les classes d'armatures est un caractère constant de la culture de la Somme aux stades ancien et moyen (fig. 6). A l'opposé du Tardenoisien, où un sensible équilibre est toujours maintenu entre pointes à troncature oblique, segments de cercle, triangles scalènes et pointes à base transversale, les gens de la Somme privilégient toujours une classe d'armatures, d'abord les pointes à troncature oblique (Merque, 40 % des armatures, Hailles, près de 50 %, avec très peu de pointes à base transversale), puis les segments (Hangest, 60 % des armatures, la Haute Borne, près de 40 %), enfin les pointes à base transversale (Petit Marais, plus de 50 % des armatures pointues). Les triangles sont très négligés : il n'y a pratiquement pas d'isocèles, le stade ancien étant marqué essentiellement par l'abondance des pointes à troncature oblique; les scalènes sont absents à Hangest (où toutefois trois "pointes à base retouchée biaise" peuvent leur être rattachées, soit une armature sur plus de vingt); rares au Petit Marais, les triangles n'apparaissent de façon notable qu'à Merque et Hailles où ils sont loin, avec un cinquième des armatures, d'atteindre les taux importants observés dans le Tardenois : un tiers des armatures à Montbani II et Sablonnière II, d'ailleurs contemporains du Petit Marais qui n'en use que très peu. Les pointes à retouche couvrante n'interviennent que symboliquement, mais c'est la même chose dans le Tardenois : 0,5 à 5 %, sans que la variation numérique paraisse avoir un sens chronologique. Cela (parmi d'autres, ainsi l'abondance des grattoirs dans le plat pays belge) différencie aussi la culture de la Somme du Limbourgien où les pointes à retouche couvrante vont jusqu'à un tiers des armatures.

Indices techniques divers

L'étude technique du débitage, longtemps sous-estimée, est actuellement en plein développement, et il faut s'en féliciter (c'est souvent aux détriments de la rigueur typologique, mais on peut espérer que cet épiphénomène soit passager). Ces travaux fourniront sans doute bientôt des éléments de comparaisons interrégionales, qui avaient été esquissées avec les études des styles (Rozoy 1968, 1969). Les importantes séries réunies par le présent auteur (liste ci-dessus) sont à la disposition des chercheurs formés à cet exercice et pourraient fournir la matière de diplômes de maîtrise ou de thèses permettant la comparaison des régions. Il est encore trop tôt pour pouvoir les utiliser, mais c'est là un complément d'avenir aux autres méthodes. Il serait toutefois puéril d'abandonner celles-ci, ce serait revenir aux études uniquement qualitatives qui avaient cours dans les années 30.

Le débitage de Dreuil-les-Amiens (Fagnart 1990) a été considéré comme typiquement Montbani. Sur cette base, et en raison des nombreux trapèzes, en opposition aux flèches de Belloy, on a considéré qu'au stade récent le Tardenoisien s'étendait jusqu'aux faubourgs d'Amiens avec les sites de Dreuil, de Gentelles et d'Etouvie. Une première approche de l'abondant débitage de Dreuil amène à relativiser ce point de vue. Le tableau 2 indique la composition des 118 kg de silex recueillis à Dreuil. Le débitage d'éclats y domine nettement avec près de 60 kg de silex, contre moins de 22 kg pour les lames et lamelles, et on voit sur les éclats et les nucleus que des éclats ont été tirés de nucleus à lames, transformés ainsi en nucleus "non organisés" (informes, globuleux ...). Nombre de nucleus "organisés" sont d'ailleurs des nucleus à éclats, soit d'origine, soit par transformation. Les éclats, ici, ne proviennent pas seulement de la mise en forme des noyaux, mais, au moins pour une bonne part, de la volonté d'obtenir des produits non laminaires. La dénaturation des objets par les engins agricoles empêche malheureusement d'estimer, même à peu près, le nombre des éclats retouchés par les archers, mais les 252 nucleus ne permettent pas de douter de leur abondance, et les 118 grattoirs décomptés par J.-P. Fagnart, presque tous sur éclats, montrent aussi cette intention du débitage. Tout cela est profondément étranger au débitage de Montbani, d'ailleurs les lames (près de mille) ne sont aucunement du style de Montbani, celui-ci est limité aux lamelles, dont le style est moins beau, moins mince et plus arqué qu'à Montbani ou même à l'Allée Tortue. Il s'agit d'un débitage mixte et l'on ne peut plus soutenir la communauté de style avec le Tardenois. Le débitage d'Etouvie, quoique assez différent, n'est pas plus Montbani, surtout pour les lames; les lamelles y sont étroites, souvent assez épaisses, cela mériterait une étude, mais il faudrait le retrouver dans un site sans mélange car à Etouvie le mélange avec la culture du Gord ruine tout espoir d'identification valable.

Tableau 2 - Débitage du silex à Dreuil-les-Amiens

Nombre Poids

Nucleus 252 29 770 g
Eclats d'avivage 238 9 755 g
Gros éclats 1 139 34 590 g
Petits éclats 14 820 g
Lames et fr. de lames 967 6 725 g
Lamelles et fr. de lamelles 15 085 g

Grattoirs (sur éclats) 118 2 980 g
Lames lamelles Montbani 236 770 g
Armatures 315 255 g
Autres outils et divers 3 175 g
========
Total 117 925 g

La limite qui sur les cartes (fig. 1) avait été placée près d'Amiens ne sépare pas le Tardenoisien de la culture de la Somme, mais, au sein de cette dernière, des sites à trapèzes (Dreuil, Gentelles, Etouvie) et des sites à grands triangles scalènes à retouches inverses plates ("flèches de Belloy" : Belloy, Hardelot, Equihen). Cette division est parfaitement arbitraire, il y a tout lieu de penser qu'elle n'est pas spatiale, que des sites à trapèzes pourront être trouvés ultérieurement à l'ouest d'Amiens et des sites à flèches de Belloy à l'est (et il y a des flèches de Belloy à l'Allée Tortue X b). C'est en réalité une distinction temporelle entre le stade récent et le stade final, un exemple parfait du piège que constituent des comparaisons de sites non contemporains. Les cartes devront être rectifiées. Le goût des éclats retouchés et des outils communs, ou plus probablement le peu d'attrait pour un grand nombre d'armatures sur les flèches, n'est donc pas limité dans la Somme au stade moyen, mais se poursuit au stade récent. Il y a là, comme dans la plupart des régions, une bonne stabilité des peuples des archers dans leurs territoires traditionnels.

Le taux de microburins pour 100 armatures pointues présente du Sud au Nord une dégression sensiblement continue, depuis des valeurs de 300 à 500 (dans le Beaugencien et plus au Sud) jusqu'à 150-100 dans le Tardenoisien-Sud et 100-50 dans le Tardenoisien-Nord (qui en fera moins encore au stade récent) et une absence totale en Belgique, au moins à certains moments. Les variations chronologiques et selon les classes d'armatures employées compliquent encore ce tableau où n'apparaît aucune autre tendance que la dégression très générale dite ci-dessus (Rozoy 1978, p. 588). Il est donc difficile de comparer la Somme et le Tardenois sur ce plan, les taux observés au stade ancien-moyen sont du même ordre sauf celui du Petit Marais (7 pour 98 armatures pointues) qui est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un grand gisement où l'on a toutes chances d'observer la moyenne réelle des pratiques sociales en cause dans le groupe. Aucun site du Tardenoisien-Nord au stade moyen n'a aussi peu de microburins (Nanteuil 18 pour 100 armatures, Sablonnière II 38 pour 100), mais la forte variabilité observée ne permet aucune conclusion. C'est un excellent exemple des similitudes trompeuses, d'autres indices pourront être très différents.

Les poids de silex utilisés sont en rapport avec les nombres d'outils communs, surtout grattoirs, éclats retouchés, lames et lamelles Montbani. Les différences sont considérables : pour des nombres d'outils analogues, Montbani II, dans le Tardenois, a fourni au total 10 kg de silex, tous déchets inclus (et même les sacs les contenant) pour 545 outils, soit 1,83 kg pour 100 outils, et c'est du même ordre à Sablonnière II, tandis que la Roche-aux-Faucons, près de Liège, ou les Hauts de Lutz à Beaugency, en donnaient des centaines de kilos, voire une tonne ou deux. On pèse les premiers avec des pèse-lettres, les autres avec des bascules de gares ! Les poids récoltés au Tillet ne sont pas aussi excessifs : Tillet-1 : 58 kg pour 1023 outils, soit 5,7 kg pour 100 outils. Tillet-2 : 33 kg pour 783 outils, soit 4,3 kg pour 100 outils. Ils sont toutefois bien supérieurs à ceux de Montbani II (le double et le triple) et de Sablonnière II. Hangest (Ketterer 1992) a fourni 33 kg de silex pour 133 outils (24 kg pour 100 outils reconnus), 13 fois plus qu'à Montbani II. Encore Montbani II et Sablonnière II sont-ils parmi les sites tardenoisiens où il y a le plus d'outils communs. Il faudrait retourner chez Mr Quatrehomme pour peser les déchets de Sablonnière III et ceux de Larchant-Justice. Même si l'on suppose pour Hangest un nombre important d'outils non recensés, il est évident qu'il s'agit d'habitudes sociales différentes, et donc de groupes humains distincts. On peut éliminer l'obstacle des outils non recensés en exprimant le poids pour 100 armatures (seul utilisable dans les sites de surface massacrés par les engins agricoles : Vraignes, Dreuil) au lieu du poids pour 100 outils. On pourrait aussi comparer au poids du débitage (nucleus et éclats d'avivage exclus, qui constituent souvent plus du tiers du poids total si l'on est proche des sources de silex : 39,5 kg sur 108 à Dreuil). Les poids ne dépendent pas de la dimension des mailles du tamis, qui a une déplorable influence sur les nombres de déchets. Le poids ne peut être utilisé directement comme indice dans certaines régions, parce que l'on dépend trop des distances d'approvisionnement (cas de Roc-La-Tour II, de la Roche-à-Fépin et de tout l'Ardennien). Ces distances toutefois ne sont pas en cause pour Montbani II ni plus généralement pour le Tardenois et la Somme où le silex est partout à portée de flèche.

Tableau 3 - Poids de silex

Site Poids silex Nb outils Poids/100 outils Nb armatures Poids/100 armat.

Hailles 7 106 117 6 073 37 19 205
Hangest 33 000 134 * 24 626 70 47 142
Tillet 1 58 000 1 023 5 669 364 15 934
Tillet 2 33 000 783 4 300 266 12 406

Dreuil 118 000 ? ? 315 37 460
Vraignes 1 12 054 ? ? 52 23 180
Vraignes 2 1 760 ? ? 13 13 538

Montbani II 10 000 545 1 834 261 3 831
Sablonnière II 8 600 358 2 402 154 5 584
Tigny-Rozoy 19 600 412 4 757 198 9 898

A.T.IV 29 000 587 4 940 176 14 646
A.T.X a 1 551 579
A.T.X b 1 368 502
A.T.XIV 32 000 795 4 025 244 13 114

* Valeur abusive, une part des outils n'a pas été retenue. Mais de toutes façons c'est beaucoup plus que dans les autres sites contemporains de la région, et à plus forte raison que dans le Tardenois.

Les différences des poids de silex utilisés confirment le groupement géographique des particularités qui permet l'identification des groupes régionaux (tableau 3 et fig. 11). La différence est manifeste au stade moyen avec des poids de silex 4 à 10 fois plus forts dans la Somme qu'à Montbani II et Sablonnière II, mais Tigny (proche géographiquement de la Somme, et tardif dans le stade moyen) a des valeurs proches de celles du Tillet (de l'autre côté de la rivière Oise). D'ailleurs ce site, avec un taux d'armatures pointues (lamelles à bord abattu exclues) de 39, se rapproche par certains aspects des caractères du groupe de la Somme (mais son nombre de nucleus est tout-à-fait tardenoisien, fig. 8). Au stade final on trouve aussi des valeurs assez élevées dans le Tardenois, probablement parce que l'abondant usage des lames et lamelles Montbani, commun aux deux régions, entraîne l'usage de beaucoup de silex. Le tableau resterait à compléter, pour cela il faudrait que les chercheurs publient leurs données plus intégralement. Peser les silex n'est pas très long ni difficile, mais il fallait y penser. Il manque tout particulièrement des données pour le stade récent.

Conclusions

Une première délimitation de la culture de la Somme à ses périodes successives a pu être réalisée grâce aux travaux des chercheurs régionaux (J.-P. Fagnart, Th. Ducrocq) et à une excellente coopération qu'ils ont généreusement accepté de poursuivre avec le présent auteur, bien informé sur le Tardenois. Il restera à mettre en évidence les limites vers la Normandie d'une part, vers la Belgique de l'autre, les indices à employer seront probablement différents, au moins en partie, puisque chaque groupe humain a utilisé à sa guise et très librement les diverses techniques de l'époque. La longue stabilité du groupe régional dans son terroir et la mise en évidence de certaines conditions indispensables aux délimitations de cultures en général sont les conclusions essentielles de cette étude.

Résumé

La délimitation des cultures épipaléolithiques se fonde sur le groupement géographique des particularités (typologiques, stylistiques ou autres) reconnues dans les ensembles étudiés. Elle exige l'utilisation de tous les sites (même si certains facteurs ne sont pas toujours utilisables) et de tous les éléments disponibles (lithiques ou autres, qualitatifs comme quantitatifs), pris en compte dans leur globalité et surtout dans leur évolution au cours du temps dans chaque région. Les comparaisons doivent se faire entre ensembles bien contemporains, sous peine d'erreurs (coupure temporelle tenue pour spatiale). Les études quantitatives demandent une typologie assez précise avec la séparation non seulement des armatures (qui donnent plus d'information sur le temps) et des outils du fonds commun (qui documentent plus sur l'espace et sur la cohésion des groupes régionaux), mais aussi des lamelles à bord abattu et des lames et lamelles Montbani. Les techniques de débitage et même les poids de silex utilisés pourront aussi fournir des indications. La plupart des caractères sont communs à plusieurs cultures, voisines ou non, et les critères de distinction varieront donc selon les cas : le taux d'armatures (qui exige des critères de tri semblables et peut être évoqué par le rapport nucleus/armatures), et l'équilibre ou déséquilibre entre les classes de celles-ci, distinguent le Tardenoisien de la culture de la Somme et de l'Ardennien, mais pas du Limbourgien. Le style de débitage et le style de confection des armatures, communs à la culture de la Somme et au Tardenoisien, séparent ceux-ci de l'Ardennien. L'abondance des éclats retouchés, commune à l'Ardennien et à la culture de la Somme, les distingue du Tardenoisien. On pourrait multiplier les exemples pour d'autres cultures, il revient donc aux chercheurs de chaque région de trouver les critères valables pour leur cas, et de pratiquer avec leurs collègues une coopération aussi exemplaire que celle manifestée par J.-P. Fagnart et Th. Ducrocq à l'égard du présent auteur.

Abstract

The boundaries of the epipalaeolithic cultures imply that the peculiar features (bound to typology, styles or anything else) recognised in the studied assemblages are grouped geographically. That means that you must use all the sites (even if some features are sometimes impossible to use) and all the available elements (lithic or not, qualitative or/and quantitative); all of them must be considered as a whole and especially in the way they evolve in the course of time in each region. Only strictly contemporaneous assemblages should be compared, to avoid mistakes (limit in time considered as limit in space). Quantitative studies need rather precise typology, dividing not only armatures (which give more information on time) and common tools (which give more information on space and cohesion in regional groups), but also backed bladelets and Montbani blades and bladelets. The debitage techniques and even the weights of the flints which were used can be pieces of information, too. Most features are common to several cultures, neighbours or not, and the diagnostic criteria are different in each case : the rates of armatures (which need to be sorted out in the same way and may be suggested by the nucleus/armatures ratio) and the balance or lack of balance between classes make a distinction between the Tardenoisian and both the Somme culture and the Ardennian, but not between the Tardenoisian and the Limbourgian. The style of debitage and the style in armature-making, which are common to the Somme culture and the Tardenoisian, put them apart from the Ardennian. Great amounts of retouched flakes, which are common to the Ardennian and the Somme culture, distinguish them from the Tardenoisian. We could find lots of examples from other cultures, it is the searchers' business in each region to find the right characteteristics for their own research and to cooperate with their colleagues in such an exemplary way as that which has been shown by J.-P. Fagnart and Th. Ducrocq towards the undersigned author.

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Légendes des illustrations

Fig. 1 - Tardenoisien-Nord et culture de la Somme.

La limite entre l'Ardennien et le Tardenoisien-Nord au stade moyen n'est pas constituée par le terrain primaire de l'Ardenne, mais par les bassins de la Meuse et de la Seine. La limite entre le Tardenoisien-Nord et la culture de la Somme paraît être au même moment sur le cours de l'Oise, et celle avec le Tardenoisien-Sud sur le cours de la Seine. La forêt du Boréal ou celle de l'Atlantique ne sont pas très différentes (surtout au point de vue de la faune) sur l'un ou l'autre terrain, on comprend donc que les bassins ou cours fluviaux aient eu alors plus d'importance qu'ensuite pour les cultivateurs. La limite Tardenoisien/Somme près d'Amiens au stade récent est illusoire, l'étude des nucleus et du débitage de Dreuil montrant la persistance au stade récent d'un large emploi des éclats retouchés et des outils communs, qui n'a pas lieu dans le Tardenois. Il est même possible que la culture de la Somme se soit étendue au stade récent au-delà de l'Oise (Bonneuil, Maurégny).

Fig. 2 - Styles des armatures

1° ligne : Ardennien de Marlemont.
2° ligne : Tardenoisien de Montbani-13.
3° ligne : Beaugencien des Hauts de Lutz et de Lorges.

Le style des pointes du Tardenois dans l'Ardennien, avec les ogives surbaissées et l'épaisseur plus forte, est franchement différent de celui du Tardenoisien. Celui des triangles aussi (la pièce 2 a percuté en bout, preuve de son usage en pointe). Dans le Beaugencien récent (contemporain de Montbani-13) c'est encore un troisième style avec les retouches directes semi-abruptes et les bases biaises qui passent au triangle scalène. Cette transition n'existe ni dans le Tardenoisien ni dans l'Ardennien, et des scalènes à retouche inverse semi-abrupte non plus (ne pas confondre avec les flèches de Belloy, dont la reouche inverse est plate, Rozoy 1991 a, c). Il y a aussi des "pointes" arrondies (la pièce 2 de la ligne du bas), des pointes du Tardenois coupées par la méthode du microburin. Les différences de style, lorsqu'elles existent, sont un indice très fort de groupes sociaux distincts. Mais deux groupes peuvent avoir le même style et différer par le débitage ou par les proportions des outils, etc.

Fig. 3 - Graphiques cumulatifs globaux par types : Tardenoisien ancien, moyen et récent.

La méthode des graphiques cumulatifs ne permet pas ici de distinguer clairement le stade ancien (RLT. II, Ch. 3) du stade moyen. Cette reconnaissance se déduira de la proportion importante des isocèles (n° 76-77) parmi les triangles et plus généralement d'une autre sériation graphique (pl. 108 des "Derniers chasseurs"). Par contre le présent type de figuration fait ressortir fortement l'homogénéité de composition de la panoplie des outils dans la région au Préboréal et au Boréal (voir sur les planches 106 à 131 des "Derniers chasseurs" d'autres exemples de cette homogénéité). A l'Atlantique (Montbani-13) le changement est frappant, il ne porte pas seulement sur les armatures, les outils sur lamelles sont diminués de moitié, les lames et lamelles Montbani interviennent massivement.

Fig. 4 - Graphiques cumulatifs globaux par types : Ardennien et Tardenoisien

Par rapport à Roc-La-Tour II qui est le stade ancien, peu différencié de région à région (voir les planches 107 et 107 ter des Derniers chasseurs), Sablonnière I, site éponyme du Tardenoisien et de tout l'Epipaléolithique, a évolué dans un sens : multiplication des armatures. L'Ardennien, comme la culture de la Somme, a évolué dans l'autre : leur limitation, sévère dans l'Ardennien, un peu moindre dans la Somme. La cohérence des graphiques ardenniens et leur opposition avec Sablonnière I et avec tout le Tardenoisien moyen deviennent très manifestes.

Fig. 5 - Graphiques cumulatifs d'armatures par types et classes : Tardenoisien, différence chronologique.

Sablonnière II et Montbani II sont contemporains (dates C-14 se chevauchant), ils ont des compositions d'armatures très semblables. A l'Allée Tortue à Fère-en-Tardenois, topographiquement entre les deux précédents, mais 2 000 ans plus tard, les Tardenoisiens ont complètement changé l'armement de leurs flèches. Les comparaisons interrégionales devront donc se faire aussi strictement que possible entre sites contemporains. Cela évitera de prendre une variation temporelle pour un changement de région.

 

Fig. 6 - Graphiques cumulatifs d'armatures par types et classes : Tardenoisien et culture de la Somme, différence géographique.

Aucun des graphiques de la Somme n'est assimilable à ceux de la fin du Tardenoisien moyen. Pour Merque et Ailly on peut présumer des différences chronologiques, par contre Le Petit Marais à la Chaussée-Tirancourt (Samara) paraît contemporain de Montbani II et Sablonnière II, sa panoplie d'armatures en est franchement différente (on a ici supprimé pour le Petit Marais, comme dit au texte, les très nombreuses lamelles à bord abattu, mais si on les réintégrait la différence n'en serait que très fortement augmentée).

 

Fig. 7 : Taux d'armatures pointues :

A l'exception de Hangest dont la valeur est biaisée comme dit au texte, les taux d'armatures des stades ancien et moyen sont dans la Somme nettement au-dessous de ceux du Tardenoisien-Nord, affectés par la "manie des armatures". La Somme, au contraire, évolue avec une bonne régularité. Un site considéré comme tardenoisien pose problème : Nanteuil-le-Haudouin, d'ailleurs très proche géographiquement de la limite des deux cultures. Son taux de 34 % concorde parfaitement avec ceux de la Somme et diverge nettement de ceux du Tardenois. On pourrait discuter son rattachement à la culture de la Somme, mais alors ce sont d'autres éléments (nombre de nucleus, équilibre des armatures) qui apparaîtraient divergents. Il y a à Nanteuil moitié de triangles, rares dans la Somme. Ces taux d'armatures assez bas dans la culture de la Somme, entre 30 et 40 %, se maintiennent aux stades récent et final, pour lesquels on ne dispose encore que de trois sites utilisables, Thennes, Vraignes et Ognoles n'étant malheureusement pas étudiables à ce sujet. La différence avec le Tardenoisien disparaît à la fin du stade récent, la modification est le fait du Tardenoisien dont les taux d'armatures rejoignent tout-à-fait ceux de la Somme. Il faut donc examiner d'autres indices pour savoir si une distinction entre ces deux cultures est encore justifiée pour ces époques : style de débitage, typologie des armatures etc.

Fig. 8 : Nucleus pour 100 armatures pointues :

Les nombres de nucleus à l'ouest de l'Oise sont beaucoup plus élevés que dans le Tardenois, c'est particulièrement net aux stades ancien et moyen pour lesquels il n'y a pas d'exception actuellement connue. Au stade récent les choses sont moins claires, le site de Bonneuil-en-Valois est le seul à l'est de l'Oise à montrer beaucoup de nucleus (62 pour 100 armatures pointues), en concordance avec un taux d'armatures bas (30 %), mais on ne peut le séparer de celui de Maurégny, lui aussi à l'Est de l'Oise, qui comporte de même un faible taux d'armatures (32 %) et un nombre de nucleus (45 pour 100 armatures pointues) à la limite de ceux du Tardenoisien récent (Chinchy, La Bayette) et de la culture de la Somme. Ce dernier groupe pourrait donc s'être étendu, au stade récent, à l'est de l'Oise ("facies de Maurégny" de J. Hinout, du moins pour sa part du stade récent). Notons que le chiffre trouvé à l'A.T. II (45 nucleus pour 100 armatures) est sans valeur. En effet, A.T. II, sauvetage au bord d'une tranchée de 1917, est un prélèvement taillé à l'emporte-pièce dans le site beaucoup plus grand A.T. IV, avec une pauvreté anormale en armatures (localisation d'outillages : lames et lamelles Montbani plus de 50 %). Il faut donc retenir la moyenne des deux collections, soit 86 nucleus pour 308 armatures, donc 26 pour 100 armatures, valeur normale pour l'Allée Tortue. Le non-renouvellement de l'autorisation par le Conseil dit supérieur et la destruction du site par les passages de camions ont empêché la poursuite des recherches, d'autre part nous ne disposons pour le Tardenoisien-Nord final d'aucun autre site que les 6 concentrations étudiées de l'Allée Tortue (7 collections), peu différentes les unes des autres.

Fig. 9 : Rapport entre outils sur lames et sur lamelles au stade moyen :

L'inflation des petits outils sur lamelles dans le Tardenoisien moyen, corrélative de la "manie des armatures", est particulièrement manifeste par comparaison avec l'Ardennien (Les Mazures, Busch Brand, Flönnes 2, Roche-à-Fépin, Marlemont, Flönnes 1, Oizy). Ce graphique publié en 1978 (D. Ch. p. 660) possédait une valeur prédictive : les trois sites encadrés ont été fouillés postérieurement, la Roche-à-Fépin qui est en Ardenne s'intègre parfaitement à l'Ardennien, Tigny au Tardenoisien, et Le Tillet est absolument hors des normes du Tardenoisien. L'analogie entre les valeurs de l'Ardennien et de la culture de la Somme ne signifie pas une communauté de groupe social (d'ailleurs impossible géographiquement, puisque le Tardenoisien est entre les deux). D'autres cultures sont dans le même cas et cela nous montre que c'est le Tardenoisien qui est une anomalie avec sa manie des armatures et des petits outils sur lamelles, la plupart des autres cultures se contentent d'une seule armature (deux au plus) par flèche. Ils ont survécu tout autant, c'était une mode, non une nécessité.

Fig. 10 : Place des outils sur lamelles dans les outils communs :

Le rapport des petits outils sur lamelles à l'ensemble des outils communs montre la même inflation au Tardenoisien moyen que celle des armatures. L'Ardennien, au contraire, en diminue l'emploi ! Le Limbourgien (L) s'en tient à des valeurs moyennes, mais il faudrait disposer pour lui de plus de sites décomptés de la même façon. On retrouve ici la valeur prédictive du graphique (v. fig. 8) : les sites fouillés postérieurement se classent parfaitement, la Roche-à-Fépin dans l'Ardennien, Tigny dans le Tardenoisien, et Le Tillet hors des normes tardenoisiennes. La concordance entre Ardennien et culture de la Somme justifie les mêmes observations sur le caractère anormal du Tardenoisien (v. fig. 8). Remarquer le rebond des outils sur lamelles au stade récent, bien confirmé si l'on écarte les lames et lamelles Montbani (graphique en tireté).

Fig. 11 : Poids de silex utilisé :

La comparaison est valable puisque les deux régions disposent d'abondantes sources de bon silex à proximité des sites (sauf Roc-La-Tour II). Mais le nombre de sites étudiables est encore faible. Le poids pour 100 armatures (o, échelle à gauche) paraît plus utilisable que le poids pour 100 outils (·, échelle à droite), non disponible dans les sites abîmés par les travaux agricoles (Dreuil, Vraignes). La différence entre les deux cultures est à nouveau manifeste aux stades ancien et moyen (bien que les deux sites tardenoisiens disponibles soient ceux qui ont le plus d'outils communs), mais à la fin du stade moyen Tigny, tardenoisien, paraît rejoindre les valeurs de la culture de la Somme - en fait, il faudrait plus de données pour juger sainement à ce niveau. Au stade récent et surtout au stade final l'abondant usage des lames et lamelles Montbani dans les deux cultures entraîne aussi des poids de silex importants de part et d'autre.


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